jeudi 31 mars 2016

LE SEXE DE MES SOEURS

Cette conversation a lieu en espagnol. 
Par deux, nous disposons de quelques minutes pour nous trouver trois points communs. 

Tu as des frères ? me demande Ken. Non, je lui dis, et toi ? je lui demande. Moi, il me dit, j'en ai deux. Ah oui ? Moi, j'ai deux soeurs, je lui dis. Alors voilà, il conclut, ça nous fait un point commun. Ça nous fait rien du tout, je lui dis, toi tu as deux frères, moi j'ai deux soeurs, je lui dis, ça n'a rien à voir, j'ajoute. Si, il insiste, j'ai un frère et une soeur et toi, tu as deux soeurs, c'est la même chose. C'est pas la même chose du tout, je m'indigne. Et ta question, je lui rappelle, c'était si j'avais des frères. Ben oui, il répond, c'est la question générique, hein oui, Alberto ? il demande au prof, hein que la question qu'on doit poser c'est Tu as des frères ? Oui, il répond, Alberto, qu'est-ce que tu voudrais demander d'autre ? il s'étonne. Est-ce que tu as des frères et soeurs ? je dis. Ah oui ? mais c'est pareil, il s'obstine. Alors moi, quand on me demande, je dis,  Tu as des frères ?, je dois répondre Oui, j'ai deux soeurs, c'est ça ? Ben oui, il dit, Alberto. Ben oui, il dit aussi, Ken. 

mercredi 30 mars 2016

Nous, êtres de carton

Dennis Hopper est l'ami américain. Dans l'atelier de l'encadreur interprété par Bruno Ganz, il cherche à se donner une contenance. Debout devant le bureau, il saisit un tampon, l'encre et l'applique sur un papier avant de le reposer sur le tourniquet.
Ce tourniquet de tampons. 
Seule, j'aurais peut-être interrompu le film. Je ne l'étais pas, j'ai continué à le regarder, remisant le souvenir qu'il avait fait surgir, pensant J'y reviendrai comme s'il s'agissait d'une pièce mais oui : il s'agissait d'une pièce dont je n'avais pas à craindre de trouver la porte fermée, une pièce que je savais pouvoir aller visiter à ma guise maintenant que j'avais appris qu'elle existait. Ou, plutôt, comme s'il s'agissait d'un film, la bobine d'un film familial dont je ne savais pas qu'il avait été tourné.
Je suis dans le bureau de mon père. Je ne suis pas seule : mes soeurs sont là aussi. Ma mère, peut-être. Nous sommes en Guadeloupe, il fait chaud et la fenêtre est ouverte. J'ai moins de six ans mais, si ce moment se situe avant mon séjour en Belgique : moins de cinq. Nous avons joué dehors ou nous allons jouer dehors. Le temps est un peu long. Être dans ce lieu n'est pas fréquent. Il s'agit d'un bureau militaire : métallique et sans fioritures, sans gadgets, sans décoration, utilitaire. Mon père n'y est pas très souvent assis, je crois. J'ouvre et je referme les tiroirs, j'aime bien la façon dont ils coulissent. Il y a du papier vierge mais de couleur : jaune, rose. Y a-t-il des stylos ? Dans tous les cas, je ne dessine pas et, dans tous les cas, je ne sais pas écrire. Tout me plait : le bureau, y être assise, le concept de bureau, le matériel de bureau.
Surtout le tourniquet de tampons encreurs.

Les motifs de stupéfaction qui ne s'apaisent pas :
-le surgissement de la scène, la netteté de certains détails, l'absence totale de certains autres, la certitude que ceux-là ne réapparaîtront pas : l'apparition du souvenir a figé le souvenir.
-le fait de me souvenir que j'avais oublié ce souvenir. Pas une fois auparavant, de toute ma vie, je n'ai repensé à ce moment. Il n'existait plus. Et, pourtant, je découvre qu'il existe encore. Où ? Sont-elles nombreuses, les scènes qui pourraient m'apparaître à nouveau ?
-la similitude entre ce souvenir et un rêve : je les raconte de la même façon, je les explore de la même façon, j'éprouve la même frustration en sachant que je ne peux pas tout voir, que je ne peux rien vérifier. Mais alors, qu'est-ce qui distingue cette réalité d'un rêve puisque certains de mes rêves paraissent tout aussi réalistes et que je les garde en mémoire davantage que certains faits réels ?
-la preuve de ce à quoi je ne m'habitue jamais : oui, je suis bien la même personne, tout du long, même si je me demande souvent ce que je peux avoir en commun avec moi à 6 ans, moi à 21 ans, moi à 36 ans, moi à etc. Ce vertige que j'éprouve toujours à devoir croire que je suis moi.
-l'impression d'avoir vécu un événement bouleversant et incroyable digne d'un roman de science-fiction : la rencontre entre moi et moi. Alors qu'il s'agit d'un fait banal à ajouter à ma liste personnelle de Je me souviens : Je me souviens que j'avais oublié le jour où j'avais joué dans le bureau de mon père jusqu'au moment où j'ai vu Dennis Hopper se saisir d'un tampon encreur dans un film de Wim Wenders.

Pourquoi s'obstiner à garder, déménager tant de boîtes emplies de ce qu'on a peur d'oublier alors que tout est en nous, enfoui à l'intérieur ? Nous sommes des greniers vivants, des êtres de cartons et, parfois, c'est un geste de Dennis Hopper qui fait office de gros scotch marron.

mardi 29 mars 2016

Tuesday self portrait

-Pouvons-nous voir notre vie comme un rêve dont il faudrait se réveiller ?
-Je dirais plutôt que de ce rêve inconscient qu'a l'habitude d'être notre vie, il faut faire un rêve lucide. Il y eut un temps où, avant de dormir, j'avais l'habitude de passer en revue tous les événements du jour. Je visualisais le film de ma journée, d'abord du début à la fin et, ensuite, à l'inverse, selon le conseil d'un vieux livre de magie. Cette pratique de la "marche arrière" avait l'effet de me permettre de me situer à une certaine distance des événements du jour. Après avoir analysé, jugé et pris parti au premier examen,  je repassais le jour en sens inverse et, alors, je m'en trouvais distancié. La réalité ainsi perçue avait les mêmes caractéristiques qu'un rêve lucide. Alors je me suis rendu compte que, comme tout le monde, en grande partie, je rêvais ma vie ! Passer en revue la journée la nuit équivalait à me souvenir de mes rêves le matin. 
Le seul fait de me souvenir d'un rêve est déjà comme l'organiser. Je ne vois pas le rêve complet mais ce que j'en ai sélectionné. De même, en repassant les dernières vingt-quatre heures, je n'ai pas accès à toutes les actions du jour, mais à celles que j'en ai retenu. Cette sélection constitue déjà une interprétation sur laquelle je fonde mes jugements et mes appréciations. Cela nous rend plus conscients, nous pouvons commencer à distinguer notre perception subjective du jour de ce qui constitue sa réalité objective. Quand nous avons cessé de les confondre, nous sommes capables d'assister comme des spectateurs au déroulement de la journée, sans nous laisser influencer par des jugements ou des appréciations. 
Depuis cette position de témoin, on peut interpréter sa vie comme on interprète un rêve.  
Alejandro Jodorowsky. Psicomagia. Conversations avec Gilles Farcet.

lundi 28 mars 2016

partir

vraiment (fragments d'insularité)

Ce n'est pas long car ce n'est pas une expédition de préparer un  sac minuscule pour aller prendre le bateau, rendre visite à la petite île soeur

dimanche 27 mars 2016

partir

revenir


De tous mes voyages à l'aéroport, mes préférés sont ceux que nous faisons ensemble -trop peu souvent- à trois l'aller, nous deux le retour, sans pourtant partir. 
Vendredi, ouvrant les yeux, j'ai pensé à tous ceux qui étaient descendus, la veille, des avions que nous avions vus atterrir et qui s'éveillaient, eux aussi. Le ciel si bleu par la fenêtre devait leur promettre un bain de mer tandis qu'à moi : que nous puissions enfin rester en profiter à la maison. 
Eux, nous, tous nous étions en train de vivre notre premier jour de vacances à Majorque.  

samedi 26 mars 2016

Faire de sa vie une pâtisserie

C'est peut-être parce que, avant de se mettre à écrire, Natalie Goldberg a tenu un restaurant que, dans son livre d'écriture créative -Writing down the bones, traduit en espagnol par El gozo de escribirLe plaisir d'écrire- elle fait autant référence à la cuisine : 
"L'écriture n'est pas un hamburger. La cuisson requiert beaucoup plus de temps et on ne peut pas savoir dès le début s'il en sortira un rôti, un ragoût ou des côtelettes d'agneau."
et même si comparer l'acte d'écrire avec celui de cuisiner n'est pas très original, elle sait toutefois renouveler le thème : 
"Quand nous préparons un gâteau, nous devons préparer les ingrédients : sucre, farine, beurre, oeufs, lait. On les met dans un bol et ils se mélangent bien mais cela ne fait pas un gâteau. C'est un amas informe. Maintenant, il faut le mettre au four et ajouter de la chaleur, de l'énergie, pour le transformer en un gâteau qui ne ressemble plus en rien aux ingrédients avec lesquels nous avons commencé. Je me souviens de ces parents qui, dans les années soixante-dix, ne parvenaient pas à reconnaître leurs enfants dans les hippies qu'ils avaient devant eux. Le lait et les oeufs observent le gâteau : "Ce n'est pas nous".
Dans un certain sens, écrire est la même chose. Nous avons en main tous les ingrédients, les détails de notre existence mais ce n'est pas suffisant d'en faire une liste. "Je suis née à Brooklyn. J'ai un père et une mère. Je suis une femme." Ce n'est pas suffisant de mélanger les ingrédients dans un bol; les ingrédients n'ont pas de vie."
et finit par faire de la nourriture le remède à tous les problèmes d'inspiration :
"Si vous vous rendez compte que vous avez du mal à écrire, que rien ne vous parait réel, alors essayez d'écrire sur la nourriture. Il n'y a aucun risque à tomber dans l'abstraction et c'est la seule chose de notre journée dont nous nous souvenons à coup sûr. 
(…) Diane DiPrima, une poétesse de la Beat Generation, a écrit un livre intitulé Dinners And Nightmares. La première moitié du volume comporte seulement les repas auxquels elle a participé, qu'elle a préparés, des listes d'invités, des listes de courses. Il y a un conte formidable qui parle de l'hiver entier qu'elle passa à New York à manger des biscuits Oreo. C'est une lecture très agréable. On ne s'ennuie jamais. Tout le monde aime manger. 
Ecrivez au sujet des repas que vous aimez le plus. Soyez précis. Entrez dans les détails. La table, le fromage, l'amie aux yeux bleus assise en face de vous, les verres pleins d'eau, la nappe à rayures, la fourchette, le couteau, l'assiette de céramique blanche et lourde, la salade, le beurre, le verre de vin rosé; partant de tout cela, nous pouvons nous étendre dans la mémoire, dans le temps, dans l'espace, dans la pensée et parler d'Israël, de la Russie, de la religion, des arbres et du trottoir. D'accord, quelqu'un peut ne pas apprécier la nourriture dans ses aspects sociaux. Quelqu'un peut ne jamais avoir fait un bon repas dans sa vie et être fauché et sans amis. Super, alors il pourrait commencer par le dernier sandwich desséché qu'il a mangé dans cet appartement vide de la Première Avenue. Si votre vie est ainsi, vous devez partir de là."
Devant nos assiettes vides, j'ai fait remarquer que, du temps passé en cuisine, il ne restait aucune trace visible. 
Du temps passé en cuisine, il reste toutefois ce billet, auquel j'ai pensé les mains dans la farine. Si j'évoque si peu la nourriture, c'est peut-être parce que je ne manque jamais d'inspiration.

vendredi 25 mars 2016

Le cabinet des rêves 272

Le petit chien blanc est revenu. 
Nous le voyons au bout de l'allée qui mène chez nous. 
Il est devenu entièrement blanc, n'a plus aucune tache sombre mais il est sale et on peut croire qu'il a été abandonné. 
Nous n'avons pas du tout envie qu'il se réinstalle. 
Il s'engage dans l'allée, entre dans la maison, le museau au sol, sans sembler s'apercevoir qu'il connait déjà les lieux et sans même nous regarder. 
De notre côté, on parle bas et en craignant qu'il nous remarque. 
M. me dit que, comme il détestait l'eau, on peut tenter de le faire s'en aller en l'arrosant. 
Je vais chercher un récipient d'eau que je répands sur le sol mais il n'a pas l'air de s'apercevoir de cela non plus. 
Finalement, il s'éloigne, à notre grand soulagement. 

Rêve du 5 mars 2016

jeudi 24 mars 2016

Poème de table en version originale (sous-titrée*)

A fréquenter les cafés sans parler français, 
j'écris de la poésie minuscule en version originale.

Poema de mesa


Cuando estoy en este café -o otro-
hay -al menos- algo
que nunca 
cambia. 
Siempre estoy saliendo
de una biblioteca
o voy a ir luego
en una libreria. 
Siempre hay -al menos- un libro
dentro de mi bolso. 
Pero a menudo me gusta
no leer nada. 
Mirar solamente
mirar a la gente. 
Ahora hay los primeros turistas
que pasan en calesas
que ven la ciudad como
yo nunca la veo.
Ahora es la temporada
en la cual la nacionalidad de cada
uno se lee no solo en la cara
pero también en la ropa
o en los zapatos : 
botas para ciudadanos
sandalias para extranjeros.  


*
Quand je suis dans ce café -ou dans un autre-
Il y a -au moins- quelque chose
qui jamais
ne change.
Toujours je sors
d'une bibliothèque
ou bien je vais aller bientôt
dans une librairie.
Toujours il y a -au moins- un livre
dans mon sac.
Mais souvent j'aime
ne rien lire.
Regarder seulement
regarder les gens.
A présent les premiers touristes sont là
qui passent dans les calèches
qui voient la ville
comme jamais je ne la vois.
A présent c'est la saison
où la nationalité de chacun
se lit non seulement sur le visage
mais aussi sur les vêtements
ou sur les chaussures :
des bottes pour les citadins
des sandales pour les étrangers.

mercredi 23 mars 2016

rue des 
bombes

Je me souviens des années 80. 
Celui de la rue des rosiers fut mon premier attentat. Le 9 août 1982, je n'y compris rien mais ce fut ce jour-là que j'appris qu'on pouvait être tué ou grièvement blessé parce qu'on mangeait au restaurant, parce qu'on marchait dans la rue, parce que rien. Ce fut ce jour-là que j'appris qu'il y avait un quartier juif à Paris et toujours, toujours j'ai pensé à ce jour-là quand, ensuite, je m'y suis trouvée. 

Je me souviens des années 80.
Le monde n'était pas encore global, les enseignes n'avaient pas encore rendu toutes les villes identiques, la ville de province où j'habitais n'était pas encore devenue une grande banlieue de la capitale dont ma mère revenait émerveillée après avoir passé des heures à la Fnac où il y avait tout.
L'attentat de la rue de Rennes me marqua, lui aussi, parmi tous ceux commis à cette époque-là. Le 17 septembre 1986, je ne compris rien de plus qu'à tous les autres, je savais déjà que les victimes étaient des gens comme ma mère.
Trente ans plus tard, je refuse de comprendre. 
Mais j'ai laissé davantage d'amis à Bruxelles que je n'en ai jamais compté à Paris et je suis soulagée de les savoir tous vivants aujourd'hui.  

mardi 22 mars 2016

Tuesday self portrait

Adolf (c'est à dire Eichmann, car Hitler grandit lui aussi dans cette ville) fut élevé par sa tante, de même que sa soeur et ses trois frères cadets. On dit qu'il n'avait pas d'ami et passait son temps à lire. Cela expliquerait le génocide. Mais on dit aussi qu'il était le chef d'une bande qui s'en prenait aux petits Juifs. Cela expliquerait aussi le génocide. 
(…) Il parcourt l'Autriche sur une grosse moto rouge. Il est heureux. Il apprend alors à boire et à faire l'amour, deux choses pour lesquelles il se passionnera le reste de ses jours. En 1932, un grave accident lui vaut une fracture de la main gauche et une double fracture du crâne. Cette main handicapée l'empêchera plus tard d'obtenir une distinction sportive rendue obligatoire par Himmler pour tous les SS : les radios de la fracture du crâne ont permis de l'identifier en 1960, en Argentine. Certains ont prétendu que cette fracture du crâne lui avait endommagé le cerveau : cela expliquerait le génocide. Je doute que le tribunal de Jérusalem consente à ramener la mort de centaines de milliers de personnes à un penchant pour la lecture en solitaire, une attirance pour les petits voyous et la conduite d'une moto rouge en état d'ivresse.  
Harry Mulisch. L'affaire 40/61.

lundi 21 mars 2016

Paysagiste (fragments d'insularité)

J'ai souvenir d'avoir suggéré un jour à un peintre de représenter une saucisse au foie, jusqu'aux moindres nuances de vérité. A-t-il jamais jugé bon de donner suite à ma proposition, je n'en sais rien, mais ce que je n'ignore pas totalement, c'est qu'il y a un certain temps, un artiste s'était établi dans un village joliment situé pour y travailler. Jeune, de peu de prestance encore, il avait fait de l'aquarelle, vaillamment et bravement. Mais à présent, il avait pour ainsi dire passé à l'huile. Entre autres, il pensait réaliser un paysage à l'huile, et je veux dire par là qu'il imaginait un portrait, dans la mesure où des ruelles, des champs, des labours, prairies, vignobles, lacs, etc. sont un peu comme des visages. 
Robert Walser. Le territoire du crayon. Microgrammes.
Il serait plus facile de calculer le nombre d'heures que j'ai passées à dormir depuis que je suis née que le nombre d'heures que j'ai passées derrière une vitre -de voiture, de bus, de train-, le nombre d'heures que j'ai passées à regarder par une vitre. 
Car, enfant puis moins enfant, très tôt et encore maintenant, très tôt j'ai passé des heures à me demander C'est comment de vivre ici ? et parfois Mais comment peut-on vivre ici ? mais aussi à vouloir retenir, tout retenir et à tout prix mais comment mémorise-t-on un panorama ? Ici un arbre, là un bosquet mais quand le paysage est plat comme une table à repasser ?
Je suis physionomiste mais, s'il existait un diplôme en paysages, saurais-je en décrocher une mention ? 

dimanche 20 mars 2016

Esprit de contradiction

Voir à nouveau annoncée la fête de la seiche m'a fait horreur. 
Ici, horreur n'est en rien une hyperbole : m'épouvante ce qui revient, m'accable ce que je rev(o)is. 
Les rubiols (1) dans les boulangeries, les répétitions des processions mais Noël (2) me fait cet effet aussi et les conversations de reprise du travail, et… tout ce qui voudrait nous convaincre de l'aspect immuable des choses. 
Pourtant, c'est le même jour que je me suis réjouie de nos bras à nouveau dénudés dans le soleil du pique-nique, du prochain changement de couleur de nos desserts (3)…  Et de toutes les choses que je vis avec toi, nombreuses sont celles  (4) dont je souhaite l'éternel retour.  



(1)
(2)
(3)
(4)

samedi 19 mars 2016

“Isolation is the one sure way to human happiness.”*


Et parfois, plutôt que près de la mer, on aimerait, 
oh oui on aimerait tant 
 tout simplement.

vendredi 18 mars 2016

Le cabinet des rêves 271

Je suis dans le couloir de la maison qui est plongé dans le noir : c'est le soir. 
Je me dirige vers l'étagère pour y poser mes affaires. 
J'entends la porte d'entrée s'ouvrir. 
C'est J.M. qui rentre plus tôt que prévu. 
Il porte une espèce de cape noire ainsi qu'un col blanc (ou il a le visage maquillé en blanc ?) comme s'il était déguisé. 
Il ne m'a pas vue, il est hilare, il a les mains chargées d'emballages bruissants. 
Il se prend les pieds dans sa cape et il tombe. 
Ses paquets s'éparpillent. Ce sont uniquement des paquets de bonbons et, en les ramassant, il me voit. 
Il dépose ses affaires mais vient immédiatement après me voir avec une petite boîte qui contient des bonbons en sucre en forme de canards. 
Il me dit que, bien qu'il sache que je ne vais pas les manger, il a pensé que je les trouverais jolis et que j'aurais envie de les exposer quelque part. 
En effet : les canards sont mignons et feront une jolie décoration. 

Rêve du 4 février 2016

jeudi 17 mars 2016

La constance :

Tokyo (Ikebukuro) décembre 2009

Palma (Santa Catalina) mars 2016
La différence : 
la langue. 

Et c'est en espagnol que je lis Barthes qui a écrit sur le Japon : 

El sueño : conocer una lengua extranjera (extraña) y, sin embargo, no comprenderla percibir en ella la diferencia, sin que esta diferencia sea jamás recuperada por la socialización superficial de lenguaje, comunicación o vulgaridad; conocer, refractadas positivamente en una lengua nueva, las imposibilidades de la nuestra; aprender la sistemática de la inconcebible; deshacer nuestro "real" bajo el efecto de otras escenas, de otras sintaxis; descubrir posiciones inauditas del sujeto en la enunciación, trasladar su topología; en una palabra, descender a lo intraducible, sentir su sacudida sin amortiguarla jamás, hasta que en nosotros todo el Occidente se estremezca y se tambaleen los derechos de la lengua paterna, la que nos viene de nuestros padres y que nos convierte, a su vez, en padres y propietarios de una cultura que precisamente la historia transforme en "naturaleza". 
Extrait* de L'Empire des signes de Roland Barthes traduit en espagnol par Adolfo García Ortega
Le rêve : connaître une langue étrangère (étrange) et cependant ne pas la comprendre : percevoir en elle la différence, sans que cette différence soit jamais récupérée par la socialité superficielle du langage, communication ou vulgarité ; connaître, réfractées positivement dans une langue nouvelle, les impossibilités de la nôtre ; apprendre la systématique de l’inconcevable ; défaire notre « réel » sous l’effet d’autres découpages, d’autres syntaxes ; découvrir des positions inouïes du sujet dans l’énonciation, déplacer sa topologie ; en un mot, descendre dans l’intraduisible, en éprouver la secousse sans jamais l’amortir, jusqu’à ce qu’en nous tout l’Occident s’ébranle et que vacillent les droits de la langue paternelle, celle qui nous vient de nos pères et qui nous fait à notre tour, pères et propriétaires d’une culture que précisément l’histoire transforme en « nature ».  

mercredi 16 mars 2016

Contre St Ex

Que nous importe l'amitié 
d'un renard
si nous est acquise 
celle d'un mouton ?

mardi 15 mars 2016

Tuesday self portrait

Ça fait des années, ça fait trop d'années, me dit-elle ensuite, changeant de ton d'une manière qui me parut douloureuse, ça fait des années que j'ai découvert que je voulais une vie normale. Que je voulais, surtout, être tranquille. J'ai déjà vécu les émotions, toutes les émotions. Je veux une vie tranquille, simple. Une vie de promenades au parc. 
J'ai pensé à cette phrase à moitié fortuite, involontaire : une vie de promenades au parc. J'ai pensé que ma vie aussi était, d'une certaine manière, une vie de promenades au parc. Mais j'ai compris ce qu'elle voulait dire. Elle cherchait son propre paysage, un nouveau parc. Une vie dans laquelle elle ne serait ni la fille ni la soeur de personne.  
Traduction libre d'un extrait* de Formas de volver a casa de Alejandro Zambra.

*
Hace años, hace ya demasiado años, me dijo después, cambiando el tono de una manera que me pareció dolorosa, hace años descubrí que quería una vida normal. Que quería, sobre todo, estar tranquila. Ya viví las emociones, todas las emociones. Quiero una vida tranquila, simple. Una vida con paseos por el parque. 
Pensé en esa frase medio casual, involuntaria : una vida con pasear por el parque. Pensé que también mi vida era de alguna forma una vida con paseos por el parque. Pero entendí lo que quería decir. Buscaba un paisaje proprio, un parque nuevo. Una vida en que ya no fuera la hija o la hermana de nadie. 

lundi 14 mars 2016

L'illusion d'optique
(fragments d'insularité)

La nouvelle de pouvoir emprunter dans TOUTES les bibliothèques* de l'île avec une seule même carte me donna l'impression d'un pouvoir illimité dans le même temps qu'elle me rappela combien le territoire, lui,  était limité.
*sauf une

dimanche 13 mars 2016

"Alors que dans toutes les autres circonstances de la vie, rien ne nous répugne autant que de voir les frontières de notre existence individuelle franchies par un autre être, le plaisir de l'amour consiste à se sentir métaphysiquement poreux à une autre individualité, en sorte de ne trouver satisfaction que dans la fusion des deux individualités, dans une "individualité à deux".*

As-tu remarqué le couple de vieux Anglais qui s'est installé, pendant que le générique du film se déroulait encore sur l'écran ? Je me demande si, comme nous, ils ont été seuls dans la salle tout le temps de la projection. Mais je parierais que le film qu'ils avaient choisi de voir, eux, ne leur a pas inspiré le projet d'aller boire du vin à la biblioteca de Babel et de parler de la conception de l'amour de Ortega y Gasset, comme nous l'avons fait.  
*José Ortega y Gasset. Études sur l'amour 

samedi 12 mars 2016

La vie des pages (23)

La langue, quand elle est majorquine et, donc, m'est étrangère, me fait parfois l'effet d'une cloison 
(mais parfois, non :
Je n'ai pas la confirmation que la surdité soit une condition généralisée à Majorque mais pour le visiteur de l'extérieur, le niveau de bruit domestique pourrait le faire croire. Une conversation aimable entre deux femmes dans une boutique ou d'un groupe d'hommes jouant à truc au café peut atteindre un volume suffisant pour communiquer de part et d'autre d'une autoroute. Beaucoup de non-Majorquins ne se risquent pas à entrer dans un établissement où une conversation est en cours, de peur de se trouver mêlé à une bagarre.

Traduction libre d'un extrait de Un hogar en Mallorca (un foyer à Majorque) de Tomás Graves.
) entre son locuteur et moi. 
C'est pourquoi je pus faire totalement abstraction du bibliothécaire qui, non loin de moi, passait des coups de téléphone. A peine remarquai-je qu'elles semblaient nombreuses, les personnes auxquelles il avait à rappeler qu'elles avaient des livres à rendre. 
Quand, soudain, ma lecture me donna une surprenante impression d'ubiquité. 
Mettant en ordre sur mon bureau les papiers trouvés sur les états d'absence, je pensais à l'éloignement du monde et à ses conséquences quand un appel téléphonique me sortit de l'abstraction; je décrochai l'appareil et une voix indifférente et autoritaire m'ordonna de rendre le plus tôt possible, sous la menace d'un châtiment abominable, les livres que j'avais empruntés à la bibliothèque : bien que j'aie dépassé le délai de près de deux ans sans que personne ne me réclame les livres, je devais les rendre immédiatement. Je ne pus répondre à cette impertinente qui m'avait arraché à mon imagination et avait coupé le cours des idées que le texte de Rousseau avait éveillé en moi. Maudit soit le téléphone, la bibliothécaire qui accomplissait son devoir, cette voix autoritaire, maladroite et sans contemplation. 

Traduction libre d'un extrait* de Libro de ausencias (Livre d'absences) de Antoni Marí. 

*
Ordenando en mi despacho los papeles encontrados sobre los estados de ausencia, pensaba en el extrañamiento del mundo y sus consecuencias cuando una llamada de teléfono me sacó de la abstracción; cogí el aparato y una voz indiferente y autoritaria me conminó a devolver lo antes posible, bajo la amenaza de un castigo ominoso, los libros que tenía en préstamo de la biblioteca : había superado casi dos años el plazo y aunque nadie reclamaba los libros tendría que devolverlos inmediatamente. No pude contestar a aquella impertinente que me había arrancado de mi fantasía y cortado el curso de ideas que el texto de Rousseau había despertado en mí. Maldije el teléfono, a la bibliotecaria, que cumplía con su deber, y a aquella voz autoritaria, torpe y sin contemplaciones.

vendredi 11 mars 2016

Le cabinet des rêves 270

Il y a une ambiance de guerre et de menace. 
Il y a des coups de feu. 
Des gens sont tués, apparemment de manière aléatoire. 
C'est pourquoi il faut éviter de se faire remarquer. 
Au début, je pense qu'on sera tous tués. 
Ensuite, je comprends qu'on aura une chance de ne pas l'être mais que c'est une menace avec laquelle il faudra vivre de façon permanente et cela m'angoisse. 

Plus tard, j'ai réussi à rejoindre le lieu où toute ma famille est réunie. 
Même si je ne vois personne, je sais que tout le monde est là car leurs manteaux sont suspendus là où je mets le mien. 
Je me sens rassurée. 

Rêve du 16 février 2016

jeudi 10 mars 2016

Poème de table en version originale (sous-titrée*)


A fréquenter les cafés sans parler français, 
j'écris de la poésie minuscule en version originale.

Poema de mesa

Hoy tomo un café con Camilo José Cela, 
Premio Nobel de literatura. 
Café de artistas se llama su libro
que estoy leyendo. 
La descripción del café y de la gente
me recuerda Madrid, la ciudad y su ambiente. 
Sin embargo hoy estoy en un café de provincia
aun que esté en Palma.
Aquí no hay artistas sino hombres en una mesa
que llevan traje y corbata
o mujeres en una otra
con gafas y bufanda. 
Pero quizás todos, todas
sean pintores o poetas : 
no se ve en la cara
a que la gente se dedica. 
Además, mirando mi libro, veo en la portada
el retrato del autor -una acuarela-
Lleva gafas y sólo se ve el cuello de la camisa
pero podría muy bien tener una corbata. 
Al final de su cuento nota
que se pasa el 10 de marzo 1953 a
las doce de la mañana. 
Hoy es la misma fecha
y, además, es casi la misma hora. 
Ahora mismo me voy a la biblioteca
a sacar una otra novela. 

En efecto, más tarde, saqué una : Formas de volver a casa de Alejandro Zambra. Y, en otro café, empecé a leerla. 
"La mujer, dijo mi madre, no tenía cara de profesora de inglés. 
Yo pensé en la cara de una profesora de inglés, en cómo debía ser la cara de una profesora de inglés. Pensé en mi madre, en mi padre. Pensé : de qué tienen cara mis padres. Pero nuestros padres nunca tienen cara realmente. Nunca aprendemos a mirarlos bien."

*
Aujourd'hui je prends un café avec Camilo José Cela,
prix Nobel de littérature. 
Le café des artistes, s'appelle le livre
que je suis en train de lire. 
Sa description du café et des gens 
me rappelle Madrid, la ville et son ambiance. 
Mais aujourd'hui, je suis dans un café de province, 
bien que je sois à Palma. 
Ici il n'y a pas d'artistes mais des hommes à une table, 
qui portent un costume et une cravate
ou des femmes à une autre, 
qui ont des lunettes et une écharpe. 
Mais peut-être tous et toutes
sont-ils peintres ou poètes : 
on ne voit pas sur leur visage
ce à quoi se consacrent les gens. 
D'ailleurs, en regardant mon livre, je vois sur la couverture
un portrait de l'auteur -une aquarelle-
Il a des lunettes et l'on voit seulement le col de sa chemise
il pourrait très bien porter une cravate. 
A la fin de son conte, il note
qu'il se déroule le 10 mars 1953
à midi. 
Aujourd'hui, c'est la même date
et presque la même heure. 
Maintenant je m'en vais à la bibliothèque
emprunter un autre roman. 

Et, en effet, plus tard, j'en ai pris un autre : Formas de volver a casa (Façons de rentrer à la maison) de Alejandro Zambra. Et, dans un autre café, j'ai commencé à le lire. 
"La femme, dit ma mère, n'avait pas le visage d'une professeur d'anglais. 
Je pensai au visage d'une professeur d'anglais, à comment devait être le visage d'une professeur d'anglais. Je pensai à ma mère, à mon père. Je pensai : de quoi mes parents ont-ils le visage. Mais nos parents n'ont jamais vraiment de visage. Nous n'apprenons jamais à bien les regarder."

mercredi 9 mars 2016

OPEN SPACE

Il y avait dans l'air un pénible résidu d'hiver et il ne me vint d'autre idée, pour lutter, que d'aller travailler au café. 
C'est une habitude copiée 
Je travaillais, je corrigeais des copies, je déjeunais à la brasserie Paul, rue Grand-Pont. C'était un long corridor, aux murs recouverts de glaces écaillées; les banquettes de moleskine crachaient leur crin; au fond, la salle s'élargissait, des hommes jouaient au billard et au bridge. Les garçons s'habillaient à l'ancienne, en noir, avec des tabliers blancs, et ils étaient tous très vieux; il y avait peu de clients parce qu'on mangeait mal. Le silence, la nonchalance du service, l'antique lumière jaunie me plaisaient. Contre la désolation de la province, il est bon de se ménager ce que nous appelions, d'un mot emprunté au vocabulaire tauromachique, une querencia : un endroit où on se sent à l'abri de tout. 
Simone de Beauvoir. La force de l'âge.
et ancienne, une habitude urbaine que j'ai depuis 
 Tokyo 
  Lisbonne 
  mais qui perdure à Palma
.
Oubliant où j'étais et croyant sur parole son enseigne, 
j'eus tort d'entrer dans ce café.  
A l'intérieur j'y trouvai
tout le contraire d'un bureau. 

mardi 8 mars 2016

Tuesday self portrait

Partout, tout autour de la chambre, le vent, la rumeur de la mer, des pas dans le couloir, des aboiements de chiens en bas. Dans la chambre, un silence très épais et au milieu mon coeur qui bat. Il me reste mon coeur qui bat toujours, toujours. Près de la mer, en plein jour, c'est autre chose. On est dans la main de la mer. On est ce plaisir de respirer. Dans un ordre qui ne sent pas, on est ce rien de désordre qui sent. Une chose à constater la mer. On goûte alors comme une gourmande le bruit de son coeur qui bat. Alors qu'il pourrait ne pas… qui bat pour rien. Ou pour une raison qu'aujourd'hui ne contient pas. Qui bat pour rien. Car, chaque fois, aujourd'hui est un jour pour rien, qui n'aura pas son pareil. On est en vacances de soi-même qui ne sert à rien en attendant. Alors on existe pour le plaisir; on est présente à ce présent; les jambes n'y tiennent plus, elles veulent bouger et sont pleines de rires à secouer.  
Marguerite Duras. La vie tranquille

lundi 7 mars 2016

On the road (fragments d'insularité)

96 km sur 78km = 3 640 km²
Chaque sortie est une expédition
ou un minuscule road movie
c'est selon.

dimanche 6 mars 2016

L'observation

Je regardais cet homme avancer lentement, faire tout lentement, comme au ralenti : marcher tout en scrutant les couvertures des revues, attraper l'extrémité de son col avec ses dents d'une manière si distraite, si rêveuse, qu'il me fut difficile de deviner, avant de le voir tirer sur la fermeture de son vêtement et de savoir que c'était par commodité, s'il ne le faisait pas inconsciemment. Je regardais cet homme dont il était évident qu'il n'aurait rien su dire de ce qui l'entourait ni rien non plus des personnes présentes, cet homme qui était tourné vers l'intérieur de lui-même, qui semblait détailler tous les titres des revues afin de savoir si l'une d'entre elles l'intéressait mais qui, dans le fond, n'était pas prêt à interrompre sa trajectoire lente pour en savoir plus sur un thème ou un autre car, sans quitter des yeux le présentoir, il continua jusqu'au seuil de la pièce où je me tenais, où il tourna la tête, où il me vit. 
J'étais à la bibliothèque, je regardais cet homme et c'était toi, tu ne savais pas que j'étais là, tu ne m'avais pas vue, tu pensais que tu venais m'attendre alors que je t'attendais déjà, guettant, pendant ces minutes longues de ta traversée du hall, le moment où tu tournerais la tête, où tu relèverais la tête, où tu me verrais, devinant l'expression de tes yeux, de ta bouche quand tu reviendrais à moi à la fin de ce moment où je n'existais pas. 
Hier matin je te regardais dormir, j'observais, dans le lit comme dans la bibliothèque, ton absence à moi et même si, cette fois, tu ne bougeais pas, cette fois aussi et plus encore, tu étais tourné vers l'intérieur, ignorant ma présence et mon regard posé sur toi. 
A ton réveil, tu me souris, dans le lit comme dans la bibliothèque et, aussitôt, comme si tu me retrouvais en franchissant le seuil d'une autre pièce, tu me racontas une histoire de princesse, de visite guidée, ton rêve dans lequel nous étions ensemble, en train de pique-niquer.  


samedi 5 mars 2016

¡ojalá!

Ojalá exprime un souhait. 
Il est suivi du subjonctif présent ou passé si le souhait est réalisable. 

  • ¡Ojalá encuentres rápidamente un trabajo interesante! (Pourvu que tu trouves rapidement un travail intéressant !) 
  • ¡Ojalá no haya caído la cámara en el barranco! (Pourvu que l'appareil photo ne soit pas tombé dans le ravin !)


J'avais un carnet de je voeux mais, plus qu'à la magie, j'ai toujours davantage cru, concernant ma vie, aux manches retroussées, à la truelle, au mortier. 
Je n'écris plus dans ce carnet et je suis toujours en travaux mais maintenant j'ai un mantra, ojalá.

vendredi 4 mars 2016

Le cabinet des rêves 269

Mon père est bientôt à la retraite et il a le projet de devenir prêtre dans le centre de la France. 
Ma mère a beau lui expliquer que ce n'est pas très rationnel, il n'en démord pas, se fâche : de toute façon, elle le contredit toujours, et puis c'est ça ou rien. 
Je pense : Rien ? La mort, alors ?

Rêve du 20 février 2016

jeudi 3 mars 2016

du latin fictionem, de fictum, supin de fingere : 
feindre


Un soir à Madrid, j'avais quitté le silence du studio pour arriver en trois enjambées à la Central de Callao, un peu tôt, volontairement un peu tôt et j'avais gagné les étages sans penser que ce serait l'heure de l'apéro, que le bistro, en bas, serait bruyant de monde, que toutes les conversations résonneraient en haut, transportées par le patio et que je me sentirais écoeurée par cette purée sonore, incapable d'ouvrir le moindre volume et de voir, écrits, d'autres mots et n'ayant pas deviné que cela pourrait m'arriver dans une librairie. 
Alors à l'heure dite, enfin l'heure dite, j'avais dévalé les escaliers jusqu'à la cave, rejoindre l'assemblée silencieuse, écouter parler de réalité et d'invention l'écrivain qui, en préambule, nous avait précisé l'étymologie du mot fiction.