mercredi 31 juillet 2013

La vie matérielle

Le temps est lent et noir et blanc dans la maison où chats et meubles semblent par moment plus vivants que les humains.
La petite Nathalie Granger a des yeux de sauvageonne mais ses mains dociles sur le clavier font penser que son avenir n'est peut-être pas aussi incertain qu'on pourrait le croire.  
A la fin, fatiguée de désoeuvrement, indifférente au monde, elle dort comme un petit animal. 
Lundi est encore loin. 

(Nathalie Granger est un film de Marguerite Duras)
Marguerite Duras : La caméra reste, devant la table, bêtement, on pourrait dire, oui, bêtement. La table rend compte d'autre chose, d'un tout, de la vie... Peut-être j'allais dire de la vie, d'une vie à un niveau plus bas, d'une vie à un niveau plus bas, d'une vie encore plus;.. encore plus... physique, voyez-vous, de la maison. On voit, de même, à un moment donné, la radio, seule, sur une table, il y avait du soleil là.
Xavière Gauthier : Livrée à elle-même. Mais je crois que, justement, après avoir vu le film, des tas de gens peuvent découvrir ce que ça peut être qu'un travail de femme, de ménagère, enfin de ce que les femmes font à la maison. Et pourquoi ?
Marguerite Duras : C'est le temps, le passage du temps : on mange, les enfants partent à l'école, le mari s'en va, on téléphone, les deux ou trois petites corvées, on dessert la table, on lave la vaisselle, la vaisselle est rangée, et puis toc... C'est le vide, c'est le loisir, elles ont deux ou trois heures devant elles, vides, voilà. 
Xavière Gauthier : Je me demande si le temps pour un homme est le même que pour une femme. Mais ça parait absurde dit comme ça. 

Marguerite Duras et Xavière Gauthier. Les parleuses.

mardi 30 juillet 2013

Tuesday self portrait

Dans la pièce voisine, X parle interminablement. Je n'ose pas fermer la porte. Ce qui me dérange, ce n'est pas le bruit, c'est la banalité de la conversation (si au moins il parlait une langue inconnue de moi, et qui fût musicale).
Roland Barthes. Journal 15 juillet 1977

lundi 29 juillet 2013

BLEU 

Ciel du matin, ciel du soir toujours doré là-bas au fond. Ah ! Comment dire ? On ne peut pas dire, il faut les peindre les grands  ciels liquides et les arbres ! les arbres ! les arbres !
Alberto Giacometti. Ecrits.

dimanche 28 juillet 2013

En attendant...

Chemin faisant, je croise la rue des premiers jours, je me souviens des ciels d'avril et des murs assez décrépis pour que je puisse me penser chez moi ici, en attendant.

Chemin faisant, j'écoute parler Miquel Barceló et quand il dit qu'il aime l'automne et l'hiver à Majorque, je presse le pas comme si ça pouvait faire s'accélérer le temps ici, en attendant.

samedi 27 juillet 2013

Une enquête sentimentale

Mise à part l'amitié qu'ils vous portent, vos amis ont-ils des points communs ?
Préférez-vous vivre dans une maison ou dans un appartement ? 
Dans ce cas, l'étage vous importe-t-il ?
Jeune, aviez-vous honte de vos parents ? Cela vous arrive-t-il encore ?
Avez-vous du mal à vous séparer des gens si vous ne savez pas quand vous les reverrez ?
Quel est le dernier livre qui vous a bouleversé ? 
Accordez-vous une grande importance à l'hygiène ?
Privilégiez-vous l'amour ou l'amitié ? 
Acceptez-vous de l'argent d'une personne dont vous savez qu'elle n'aura jamais aucune autre marque d'affection envers vous ?
Vous arrive-t-il de craindre de vous habiller vulgairement ?
Pensez-vous que vous aurez encore du charme quand vous serez âgé ?
Comment choisissez-vous les endroits où vous fixez vos rendez-vous ? 
Qu'est-ce qui pourrait vous empêcher d'habiter quelque part ?
Perdre des traces de moments vécus vous fait-il craindre d'en perdre la mémoire ?
(Merci, Sandrine et Sébastien : pour les enquêtes, les beaux jours et le lever de lune sur le Tage)

  Si vous aimez les enquêtes, il y en a d'autres ICI.

vendredi 26 juillet 2013

Le cabinet des rêves 133

Cela commence par des remarques anodines, mais bientôt il faut se rendre à l'évidence : il y a plein de "E" dans "la Disparition". 
On en voit d'abord un, puis deux, puis vingt, puis mille ! 
Je n'en crois pas mes yeux. 
J'en parle avec Claude. 
On peut penser que je rêve.
On regarde à nouveau : plus de "E". 
Tout de même ! 
Mais de nouveau, si, en voilà un, un autre, et encore deux autres, et de nouveau, plein ! 
Comment se fait-il que personne ne s'en soit jamais aperçu ?
La boutique obscure. Georges Perec.
Je dois donner un cours à partir d'un livre de Bernard Stiegler sur les animaux. 
Je suis dans une allée, à tenter une expérience sur un chat. 
Il doit faire 17°, selon Stiegler. 
Je me demande si c'est à cause de la température que l'expérience ne fonctionne pas. 
Encore ? me dit ma mère qui rentre à ce moment-là. 
Je réponds que Non, c'est la première fois que je travaille sur ça.

Rêve du 20 juillet 2013

jeudi 25 juillet 2013

Chroniques d'une chambre en ville

les stries 
du couvre-lit 
sur ma peau à la sieste 
laissent un imprimé gaufrette

mercredi 24 juillet 2013

La délicatesse

Je l'ai regardé -ses mains, sa nuque- penché sur le trottoir.
Il sertissait les petits pavés, aussi précis qu'un joaillier.

Puis j'ai traversé la rue et souri à celui qui, toujours, pèse et emballe avec précaution 
les fruits que j'ai choisis.

lundi 22 juillet 2013

Les figures du quotidien

Francky Saint-Denis
a publié un avis il y a 11 mois
Dans l'ensemble, l'hotel est plutôt bien. Le personnel est plutot aimable Les chambres sont spacieuses et propre avec une vue sympa sur Lisbonne pour les chambre les plus haute. Les chambres sont silencieuses et equipées de clim, d'un coffre-fort et du wifi. Le petit dejeuné est accectable il y a du choix mais sans plus. le café soluble est meilleur que celui de la machine. pas de vrais jus d'orange, seulement des boissons aromatisées. Situé dans un quartier est calme et à quelque minutes du metro. Je recommande cet hôtel.
Alejandro Bonilla
a publié un avis il y a 1 an
Nice service, nice rooms, OK location, good breakfast but few choices, nice restaurant on the side. Room is good enough, don't expect too much!
Susanne Lind Roos 
a publié un avis il y a 5 mois
Bra prisvärt hotell, rena små fina rum. Välstadade rum. Ok för frukosten, fräsch. Nära tunnelbanan Anjos.
Un utilisateur Google
a publié un avis il y a 1 an
Sehr sauber und modern - freies WLAN und Safe im Zimmer - Frühstück ausreichend - Gute Lage zur Metrostation "Anjos" (5 Min). Für portugisische Verhältnisse super! Wir waren vier Nächte dort und würden es wieder tun. Ideal für eine Städtereise.
Un utilisateur Google
a publié un avis il y a 1 an
El servicio deja que desear. La atencion al cliente no es de las mejores pero es recomendable para pasar unos dias. Un hotel tranquilo limpio y economico.
Bien : Limpieza y tranquilidad
Décevant : Atencion al cliente
De l'hôtel voisin, je peux vanter l'insonorisation. 
Quant au petit déjeuner, j'en devine la médiocrité en les voyant entrer à la pastelaria, ces étrangers fraîchement douchés.
Côte à côte ou face à face, après avoir pointé l'objet de leur gourmandise dans la vitrine, ils déplient leurs plans et leurs habitudes. 
Ils me deviennent familiers pendant deux jours, trois jours. 
Ils savourent leur routine passagère et leur café. 
Puis ils rentrent chez eux et moi, je reste ici, en attendant. 

dimanche 21 juillet 2013

are you there ?
can you hear me ?

La voix semblait s'adresser à moi. 
A regarder tout autour, je vis ce que jamais encore je n'avais remarqué : 
sur le mur de gauche au-dessus du dévidoir à papier : 
un miroir petit et carré et quand je m'y regardai : 
la voix sembla sortir de moi.

samedi 20 juillet 2013

... et puis un jour je m'aperçus qu'elle s'appelait la rua da Palma

... mais d'elle je n'ai rien à dire. Enfin si, évidemment si mais pas là pas ici pas tout de suite, une autre fois peut-être, on verra. 
Non, je veux parler de l'autre, petite, qui sent l'encens et résonne de prières, où les animaux sont en peluche et espèrent qu'on les aime et les hommes surpris que je soutienne sans ciller leur regard effronté.

vendredi 19 juillet 2013

Le cabinet des rêves 132

Il souffle depuis deux jours ce vent, qui fait faire des rêves comiques. 
Jean Paulhan. Lettres à Francis Ponge.
Je suis chez M. 
Je vois son chien, jeune et un peu fou et sa compagne m'explique qu'ils l'ont appelé Natali (sans e) parce que c'est un nom qui a la réputation de calmer les chiens. 
Elle est enceinte de quelques mois et porte un pull long et moulant qui souligne joliment son ventre un peu rond. 
D'abord indifférente à mon égard, elle semble, cependant, vouloir se prévaloir de sa grossesse auprès de moi particulièrement, comme si elle estimait avoir besoin de me prouver que M. était "à elle".
Elle me devient, ensuite, complètement hostile, lorsqu'elle comprend que M. est décidé à me raccompagner à la gare. 
Je tiens à prendre une douche avant de partir et je suis dans la salle de bain mais je l'entends l'invectiver, dans une scène de jalousie à laquelle il ne réagit pas.
Il est anxieux parce que le temps passe et qu'il pense qu'il faudrait qu'on se dépêche pour que j'aie mon train. Mais, surtout, il reste silencieux, prostré, comme s'il était accablé d'une immense tristesse que rien ne pourrait consoler.
En entendant crier son amie, je pense qu'elle n'a aucune raison d'être jalouse de moi puisque je ne fais que passer et que je n'ai aucune prétention vis à vis de M.
Pourtant, je connais la raison de son état et je devine que leur relation ne sera jamais la même après ce que nous avons vécu ensemble, avant qu'elle arrive : un moment d'une rare et immense et évidente sérénité, sans parole, sans geste. Un sentiment fort tout autant que paisible dont je sais qu'il va continuer à nous habiter longtemps, ce qui me remplit -au contraire de M.- d'une joie tranquille.

Rêve du 26 février 2013

jeudi 18 juillet 2013

Chroniques d'une chambre en ville


 la promesse du ciel bleu m'éveille
pour mon rendez-vous avec le soleil
je me parfume au pain grillé
au Darjeeling aux oeufs brouillés

mercredi 17 juillet 2013

En attendant...

En attendant, je réserve des places pour des concerts auxquels je n'assisterai pas, je visite des expositions de photos.
En attendant, je remets de l'eau à chauffer(1), j'achète du lait de soja dans le supermarché qui ne diffuse que des chansons des années 80 qui donnent envie de danser.

En attendant, je vais lire(2) au mirador,












je chante avec Mendelson (3),
je fais tourner la tête d'un braque de Weimar,
je partage la facture d'électricité du jeune homme qui rit quand je lui dis Boa tarde.


(1)Junichirô Tanizaki aimait la pénombre que développe le thé dans son monde chaud et liquide.
Et les couleurs que la petite feuille roulée déploie en filaments dans l'eau avant de s'y mêler. Et le déchet rougeâtre et à certains égards automnal qui vient peu à peu gésir au fond du bol de porcelaine.
Pascal Quignard. Les ombres errantes

(2)-Avez-vous les dernières affiches de Air-Argentine ?
-Peut-être, je ne sais plus. 
-Ils recommandent leurs avions en disant que nous nous y sentirons comme chez nous. Je ne conçois rien de plus horrible que de monter dans un avion et d'avoir l'impression que je suis encore dans ma maison.
-On doit y servir du maté avec des côtelettes et des spaghetti, au son plaintif des bandonéons. 
-Toutes choses parfaites à Buenos Aires et tant qu'on a la possibilité de les éviter. 
Julio Cortàzar. Les gagnants

(3)"Nous on marche dans la lumière, nous on a besoin de rien d'autre que nous deux"

mardi 16 juillet 2013

Tuesday self portrait

Moment imperceptible,
à quoi ressembles-tu, car
il y a en moi maintenant quelque chose
qui ne finira jamais.

Je sais que les années passant,
de cela je me souviendrai
sans savoir alors de quoi il s'agit,
car maintenant déjà je ne le sais pas.

Même si un tel moment n'était rien,
il en reste quelque chose
qui me sera doux encore
quand je ne me le rappellerai plus.

Fernando Pessoa

lundi 15 juillet 2013

En attendant...

Le plus grand plaisir que je continue à éprouver même quand je suis malheureux, que je me suis encore mis dans l'impasse que j'peux plus bouger y 'a un truc qui vieillit pas, c'est l'étonnement quand j'mets ma main dans la culotte d'une fille que j'connais pas pour la première fois. A chaque fois ça fait peur c'est toujours différent et puis c'est tellement bizarre. C'est pas du donjuanisme parce que j'ai pas couché avec tant d'filles que ça mais c'est ce moment-là qui fait que tu sens qu't'es en vie.
Les gens bidonnent, te racontent que c'est toujours pareil qu'un con est un con, que les garçons c'est différent et qu'les filles c'est pareil. Les filles c'est tellement précisément différent à chaque fois. C'est pas seulement de l'infidélité : y'a des filles, même si tu les connais, hein, à chaque fois que tu mets la main, tu sens qu'c'est bizarre, c'est pas gagné. 
C'est dur à expliquer. Si tu parles de ça aux gens, ils te disent : "eh ça va ! Tu peux commencer à t'habituer quand même, c'est infantile". Ou alors ils se moquent : "Tu dois pas être une bonne affaire au lit", ce qui est tragiquement drôle quand on sait comment la plupart des gens baisent quand même ! Tu vois cette réaction des gens qui font la moue genre "ouais, j'espère que t'as mieux dans la vie" alors que tu sais qu'les gars ils ont rien de mieux dans la vie, même pas ça !
Mais c'est ça l'plus grand plaisir : le moment où je sens qu'la vie ça vaut tellement la peine. Même si c'est trop cher payé.
C'est pas Heidegger qui monte sur sa putain d'montagne ou je sais pas quoi... Non c'est : le visage de la fille, toi qui as un peu peur, qui repousses l'élastique, le début du ventre, tu vois ?
Crois pas les gens qui te disent : "eh ça va ! Renonce à ça, y' a mieux !" Y'aura rien d'mieux dans la vie ! T'as intérêt à t'en satisfaire ! Et c'est déjà pas mal. 
En attendant, je revois Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle) de Arnaud Desplechin qui offre aux filles l'accès aux pensées intimes des garçons et rappelle l'époque où la voix off, n'étant pas un procédé si fréquent, faisait encore penser aux films de Truffaut.
En attendant, je vois A Batalha de Tabatô, un film lent et beau de João Viana où la mariée n'est pas en noir mais en sang.

dimanche 14 juillet 2013

Le temps de pose

On dirait que le dimanche matin accroît le beau temps. Deux intensités hétéroclites se renforcent l'une l'autre. 
Roland Barthes. Journal 17 juillet 1977.
Près du fleuve je pense à l'autre fleuve.

Le pont de fil tremblait sous nos pas. J'allais en son milieu afin d'y ressentir mieux l'air
mais de l'air cet été-là il n'y en avait pas.
La nuit lui au grenier moi en bas mais quel que soit l'étage
le sommeil cet été-là n'existait pas.

Cette ville j'en rêvais quand j'écrivais son nom sur mes jeunes lettres sentimentales.
Et dix ans après : les petites pâtes en forme de lettres au lieu du riz sur le perron de la mairie.
Par deux fois lieu de mes amours, comment alors était né ce si grand désir de la fuir ?

Soudainement ? 
Progressivement ?
Les rues n'avaient plus eu de charme, nos pas n'avaient plus eu de but.
Nous attendions avec une incontinente impatience le temps du gros scotch marron.

De l'expérience nous fîmes une leçon et l'habitude nous vint de spéculer
Et après ?
Où ?
Quand ?
Sans cesser de faire grimper les bibliothèques sur les murs de nos maisons, nous nous tenions intimement prêts à tout ranger à nouveau dans des cartons.

Je partirai d'ici sans porteur, mes malles suivront.
Mais cette fois, je le sais, il n'y aura pas d'urgence à quitter le lieu où je vais aller (me) poser.

samedi 13 juillet 2013

La saison des amours

Ils avançaient enlacés et souriants.
Arrivés à la hauteur de mon banc il la fit s'arrêter, la tourna vers lui en l'enveloppant dans ses bras.
Indifférents à moi, ils s'embrassèrent amoureusement.
Puis restèrent un moment, serrés l'un contre l'autre, seuls au monde, murmurant des choses douces au milieu de l'allée.
Leur bonheur était beau à contempler, je ne m'en privai pas.
Eux n'eurent pas un regard vers moi.
Ils reprirent leur promenade tranquillement, leurs cannes blanches les guidant.

vendredi 12 juillet 2013

Le cabinet des rêves 131

Sperme et théâtre 

(à un certain moment de la matinée,
 je me souviens que j'ai fait un rêve,
 mais de ce rêve n'émergent  que ces
 deux mots : Sperme, théâtre).          

            Georges Perec. La boutique obscure.
A.S. fête son anniversaire et m'y invite. 
C'est à Bruxelles. ça ne serait pas facile mais je suis toutefois tentée, momentanément, de m'y rendre, bien que je sache que ce serait pour de mauvaises raisons.

Rêve du 27 juin 2013

jeudi 11 juillet 2013

Chroniques d'une chambre en ville

ma langue est étrangère ici
je la parle toutes les nuits
mais parce que c'est avec lui
je pourrais toute la nuit

mercredi 10 juillet 2013

Lever : 06 h 18 Coucher : 21 h 02

Le quartier est le moyen terme d'une dialectique existentielle (au niveau personnel) et sociale (au niveau du groupe des usagers) entre le dedans et le dehors. Et c'est dans la tension de ces deux termes, un dedans et un dehors qui devient peu à peu le prolongement d'un dedans, que s'effectue l'appropriation de l'espace. Le quartier peut être dit, de ce fait, un accroissement de l'habitacle, pour l'usager, il se résume à la somme des trajectoires inaugurées à partir de son lieu d'habitat. Il est moins une surface urbaine transparente pour tous ou statistiquement mesurable que la possibilité offerte à chacun d'inscrire dans la ville une multitude de trajectoires dont le noyau dur reste en permanence la sphère du privé. 
Pierre Mayol. L'invention du quotidien. Habiter.
J'aurais pu réciter les heures où le soleil chauffait mes terrasses préférées ou celles qu'il valait mieux passer rue Linière parce que c'était là qu'il se trouvait. 
A présent, je sais quelles rues emprunter pour éviter les trottoirs surchauffés et à quel moment exactement mon balcon en forêt est délicieusement aéré et ombragé.

mardi 9 juillet 2013

Tuesday self portrait

Pendant longtemps, mon oncle a vécu ici, enfermé dans son atelier, en plein coeur du vacarme, et gagné son pain à peindre des visages sur commande, se construisant au fil des ans une belle réputation de portraitiste. Ministres, dames du monde, notables, militaires, vieux mariés, jeunes mariés... il a mis sur ses toiles tous les visages solvables, indépendamment de la profession, de l'âge, du sexe, de la couleur. Le visage humain des espèces vivantes, le plus petit territoire sur lequel s'affrontent la bonté et la cruauté, la bêtise et l'intelligence. 
Lyonel Trouillot. La belle amour humaine.

lundi 8 juillet 2013

8


Chant V 
3
Bloom, alors, se sentait dans les airs
comme s'il était non pas un habitant de Lisbonne, 
mais un habitant de ce jour précis : le huit juillet.
Parce que la vie n'est même pas un élément quotidien, 

elle est quelque chose de plus petit que cela : elle est instant qui survit à l'instant : 
les moments se succèdent et on n'est pas encore mort, 
voilà tout. Les villes, en termes d'indices temporels, 
sont absurdement incompétentes. 

Gonçalo M. Tavares. Un voyage en Inde.

dimanche 7 juillet 2013

sachez vivre

Mangez avec élégance !

- Ne vous précipitez pas !
- Mastiquez la bouche fermée et sans bruit.
- Ne parlez pas la bouche pleine.
- Faites en sorte de prendre des bouchées facilement assimilables de façon à pouvoir répondre à toute question, 
sans attendre de longues minutes.
- Ne levez pas les coudes quand vous mangez, gardez-les près de votre corps.
- Ne vous penchez pas sur votre assiette ni sur votre fourchette, mais approchez vos couverts jusqu'à votre bouche.
- Ne touchez jamais les aliments avec vos mains, excepté le pain.
- Ne portez jamais le couteau à vote bouche : utilisez votre fourchette.
- Ne raclez pas votre assiette jusqu'à la dernière miette pour la rendre aussi propre qu'au début du repas.
- Evitez les bruits de bouche : succion ou aspiration.
- Ne vous risquez pas à demander à votre voisin la permission de goûter son plat ou de finir ses restes.
 Observez les usages ici 
pour ne pas être le barbare d'autrui
et ne mangez pas à mains nues votre pâtisserie.

samedi 6 juillet 2013

ROUGE BAISER

Chant VII 
29 
La plus grande arrogance et, en même temps, la plus grande invention des humains, ce n'est pas la puissante structure métallique qui fonctionne, ni le satellite qui a lui seul voit plus loin que toutes les espèces animales réunies; de loin, la plus grande invention de l'homme, c'est le baiser. 
Gonçalo M. Tavares. Un voyage en Inde.

Au verso
le cachet de la poste masque deux lettres
de mon prénom
,
 posé sur elles
comme un baiser.

vendredi 5 juillet 2013

Le cabinet des rêves 130

H. entre dans ma chambre. 
Je suis dans mon lit et il vient à côté, se penche vers moi pour me parler d'un livre qu'il vient de lire et d'aimer, qu'il a découvert grâce à moi même si c'est un classique (Voltaire ?). 
Il manifeste beaucoup de familiarité : je m'aperçois notamment qu'il est entré chez moi par le balcon sans se soucier des traces de terre déposées par ses chaussures. 
Plus tard, j'assiste au chargement de ses affaires dans le coffre de la voiture de son père qui est vraiment plein. Je comprends qu'il rentre passer le weekend chez ses parents. 
Quand je remonte dans l'appartement, je vois qu'il a laissé ses espadrilles devant la porte de ma fenêtre. 
Un matelas est posé sur le balcon. 
Je pense qu'il a dû beaucoup pleuvoir parce qu'il est recouvert de végétation et je m'exclame : 
Oh, un lit d'herbes ! Comme c'est joli ! 

Rêve du 29 juin 2013

jeudi 4 juillet 2013

Chroniques d'une chambre en ville

de ma fenêtre je ne vois de mes voisins d'en face un étage plus bas
que les mains que les jambes et sur leur table les cartons de pizzas
leur visage c'est seulement quand ils prennent dans leurs bras
leurs deux tout petits chats

mercredi 3 juillet 2013

AGRADECEMOS PREFERÊNCIA

Ana Rita Castro 
Vânia Duarte
Pedro Caleiro
Neuza Lopes
Conceicao Rodrigo
Jessica Louranço
Jorge Lopes
Pedro Marrachinh
Elisabete Teixei
Avec eux, j'use de toute l'étendue de mon vocabulaire. 
-bonjour, merci, au-revoir-
et j'ai décidé de collectionner leurs noms.

mardi 2 juillet 2013

Tuesday self portrait


On pourrait dire que moi aussi je suis sujet. Pas moyen de faire autrement, on ne peut pas se soustraire à la langue. Si vous voulez exister für sich, il vous faut avoir votre phrase, vos pronoms possessifs, vos verbes, vos complément circonstanciels de lieu et de temps.
Svetislav Basara. Perdu dans un supermarché.


lundi 1 juillet 2013

Dans 2 mois

(à J.M)

Dans le métro -direction aeroporto- j'essaie de déchiffrer sur leurs visages, sur leurs bagages, leurs destinations. 
Ils rentrent chez eux.
Moi, j'irai là-bas.
Cet endroit que je n'ai jamais vu mais qui, doucement, est en train de devenir 
 chez moi.


Pour aujourd'hui, je ne puis en conscience recommander ce voyage qu'aux artistes robustes de corps et passionnés d'esprit. Un temps viendra sans doute où les amateurs délicats et jusqu'aux jolies femmes, pourront aller à Palma sans plus de fatigue et de déplaisir qu'à Genève. 
George Sand. Un hiver à Majorque.