samedi 31 janvier 2015

Une enquête sentimentale

Avez-vous déjà revu un amour de jeunesse ?
Si oui, lui avez-vous trouvé du charme ?
Ou pas ?
Avez-vous une armoire à pharmacie ?
Vous êtes-vous déjà abonné à une salle de sport ?
Seriez-vous prêt à donner votre vie pour quelqu'un ou quelque chose ?
Vous posez-vous 
souvent
rarement
jamais
la question du sens de votre vie ?
Comment avez-vous choisi la destination du dernier voyage que vous ayez fait ?
Si vous avez déjà fumé, vous souvenez-vous de votre première cigarette ?
Faites-vous
souvent
rarement
jamais 
craquer les articulations de vos doigts ?
Avez-vous bien dormi ?
Enfant, receviez-vous de l'argent de poche ?
Si oui, estimiez-vous en avoir assez ?
ICI, des voix sentimentales

vendredi 30 janvier 2015

Le cabinet des rêves 212

Je suis avec M. et nous rencontrons S. et sa mère. 
Tous les deux ont des yeux clairs, incroyables et je leur trouve immédiatement un charme évident au point de "tomber amoureuse" d'eux. 
M. s'éloigne tout de suite avec S. tandis que moi, je vais avec sa mère dont j'apprécie vraiment beaucoup la compagnie. 
Je pense qu'il faut que j'en profite parce que je sais qu'elle va bientôt mourir, je sais qu'elle est malade.
Quand nous nous retrouvons, M., sans me laisser le temps de parler, me dit qu'il était sûr qu'ils ne me plairaient pas. 
Alors que je suis encore sous le charme de cette rencontre, je me dis que ce n'est pas souvent qu'il a aussi peu d'intuition. 

Rêve du 22 décembre 2014

jeudi 29 janvier 2015

La vie des pages (15)

Ricardo Piglia dit que, à une époque où la circulation de l'écrit a atteint une rapidité extraordinaire, il semble paradoxal d'observer que le temps de lecture, lui, n'a pas changé : "Nous lisons de la même manière qu'à l'époque d'Aristote. Nous continuons à déchiffrer signe après signe et cela nous met dans une attitude semblable à celle qu'on avait quand la circulation n'était pas si rapide. Hudson, par exemple, raconte, dans Ici au loin et il y a longtemps, un livre de 1918 sur la Pampa, comment les romans leur arrivaient et que, après les avoir lus, ils les prêtaient à la ferme voisine qui était à cinq kilomètres, et encore après à une autre, encore plus loin. Le roman s'éloignait à cheval…"
Enrique Vila-Matas. Dietario voluble.
C'est toujours la même chose. 
Je dévalise les rayons
 je néglige les dates de péremption. 
J'oublie toujours qu'en espagnol, je lis lentement. 

mercredi 28 janvier 2015

Le jour des frites

C'est le jeudi. 

Alors, le bus effectue un virage qui nous fait frôler presque la baie vitrée du fast food et, toujours, j'en observe l'intérieur, les frites dont la lumière du soleil fait clinquer le jaune, l'angle brusque des pailles plantées dans les gobelets, les chaises joyeusement désordonnées.  
Et le petit garçon. Car, invariablement, un petit garçon Pourquoi toujours tellement plus rarement des petites filles ? mais jamais le même ou alors si mais comment en être sûre ?, à genoux sur sa chaise, penché vers la table, mange mais le plus souvent : parle. 

C'est comme Vincent, je me dis, peut-être que c'est comme Vincent qui a grandi tout près de chez moi et qui m'a laissé ces souvenirs-là : son chien boxer nommé Sampa que notre chien à nous, ne craignant ni le ridicule ni, il faut croire, le déshonneur, allait défier régulièrement du haut de sa taille de bâtard mi-teckel mi-quelque chose d'à peine plus grand remplacé ou cohabitant avec ? par un autre plus jeune, plus fou, nommé Rhésus Je ne pourrais pas parler de ce chien sans ambiguité ici car on penserait : Jesus, quel drôle de nom pour un chien quand tant de garçons y répondent -plus ou moins heureusement : j'en connais un qui préfère qu'on l'appelle par son initiale J (prononcer [jota]à cause d'un contexte familial médical Son père : médecin. Sa mère : infirmière,  ses parents divorcés, un garçon un peu bagarreur, Vincent, un peu secret aussi De ce genre de personnes dont, plus tard, j'ai pensé que, si elles se taisent ce n'est pas forcément par discrétion, par pudeur ou quelque chose comme ça mais simplement parce qu'elles n'ont rien à dire. , son père remarié à une femme C'est peut-être l'inverse : peut-être Vincent habitait-il avec sa mère, remarié . Ces garçons ont déménagé avant nous, comme beaucoup de monde, autour de la place et je commençais vaguement à être adolescente, je n'ai pas tout retenu des histoires d'adultes que personne, d'ailleurs, ne me racontait en détail.  Ainsi, lirait-il ces lignes, Vincent aurait-il sans doute quelque chose à y rectifier. Ainsi, une dizaine d'années après son départ à elle, j'ai recroisé Heidi qui avait habité là, elle aussi, avec ses deux fils dont je lui ai demandé des nouvelles, écorchant sans le vouloir le prénom de l'un d'entre eux, et elle le rectifiant, semblant offusquée de cela alors que je trouvais, moi, déjà bien de la reconnaître. Je constate en l'écrivant et avec soulagement que je ne reconnaîtrais plus, à présent, Heidi et que je n'ai aucun souvenir du nom même approximatif de ses enfants.  mère d'un garçon du même âge et ils finirent par très bien s'entendre, s'amusant beaucoup tous deux de l'étonnement que provoquait leur gémellité si dissemblable auprès de ceux qui ne la savaient pas recomposée car ce garçon ressemblait beaucoup plus à Henry Thomas     On imagine la vie d'Henry Thomas qui, pour toujours, est l'ami d'un extra-terrestre plus célèbre que lui. qu'à Vincent qui allait manger tous les mercredis midis au Flunch dont il aimait les frites, à volonté. 

mardi 27 janvier 2015

Tuesday self portrait

À mon âge seules les vieilles dames folles écrivent dans un carnet sur les bancs de la rue. Je ne suis pas une vieille dame folle. Je ne suis pas non plus une femme énigmatique. A présent, je suis chez un glacier où je ressemble à une professeur de lycée de quarante-quatre ans qui prend des notes dans un carnet. J'aimerais avoir de la valeur. La valeur du domestique qui a su désobéir à la belle-mère et a laissé s'échapper la jeune fille, en apportant le foie et les poumons d'un sanglier comme fausse preuve du crime.
Il s'agit ici d'une traduction libre* que j'ai faite d'un passage de El padre de Blancanieves de Belén Gopegui.


*A mi edad sólo las viejas damas locas escriben un cuaderno en los bancos de la calle. Yo no soy une vieja dama loca. Tampoco soy una mujer enigmática. Ahora estoy en una heladería donde parezco una profesora de instituto de cuarenta y cuatro años que hace anotaciones en un cuaderno. Me gustaría tener valor. El valor del sirviente que supo desobedecer a la madrastra y dejó escapar a la joven, llevando el hígado y los pulmones de un jabalí como falsa prueba del crimen.

lundi 26 janvier 2015

Petit traité de psychogéographie (fragments d'insularité)

La géographie rend compte de l'action déterminante de forces naturelles générales, comme la composition des sols ou les régimes climatiques, sur les formations économiques d'une société et, par là, sur la conception qu'elle peut se faire du monde. La psychogéographie se proposerait l'étude des lois exactes, et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus. L'adjectif psychogéographique, conservant un assez plaisant vague, peut donc s'appliquer aux données établies par ce genre d'investigation, aux résultats de leur influence sur les sentiments humains, et même plus généralement à toute situation ou toute conduite qui paraissent relever du même esprit de découverte.
Guy Debord, 1955.

Toutes ces montagnes, d'un côté 
/ 
de l'autre : rien que du plat. 
Tous ces maillots de cyclistes, de bain 
et puis plus aucun. 
Tous ces hôtels, complets
/
tous ces hôtels, fermés. 
Toutes ces rafales, ces nuages
/
du bleu, toujours du bleu, presque ennuyeux.

L'île 
souffre 
d'un trouble 
bipolaire.

dimanche 25 janvier 2015

"L'amour, la poésie ne sont pas compatibles avec la lecture à voix haute des journaux"

Nous n'étions pas seuls à répondre à des questions, assis sur la banquette de Literanta. Par un hasard qui aurait amusé André Breton, lui qui aimait les concours de circonstance (1), nos voisines se livraient à la même activité. Contrairement à la leur (2), l'enquête à laquelle nous nous soumettions était, évidemment, sentimentale.
"Indépendamment du profond désir révolutionnaire qui les possède, tous les sujets d'exaltation propres aux surréalistes convergent en ce moment vers l'amour. 
(…) Le dernier numéro de la Révolution Surréaliste se refermera sur une enquête significative. Cette enquête est toujours ouverte. Elle pourrait aussi bien s'adresser ce soir à chacun de nos auditeurs.(4) 
-Quelle sorte d'espoir mettez-vous dans l'amour ?
-Comment envisagez-vous le passage de l'idée d'amour au fait d'aimer ?
-Feriez-vous à l'amour le sacrifice de votre liberté ?
-L'avez-vous fait ?
-Vous reconnaîtriez-vous le droit de vous priver quelques temps de la présence de l'être que vous aimez sachant à quel point l'absence est exaltante pour l'amour mais apercevant la médiocrité d'un tel calcul ?
-Croyez-vous à la victoire de l'amour admirable sur la vie sordide ou de la vie sordide sur l'amour admirable ?"


(1)
"Pouvez-vous dire quelle a été la rencontre capitale de votre vie ? -Jusqu'à quel point cette rencontre vous a-t-elle donné, vous donne-t-elle l'impression du fortuit ? du nécessaire ?"
C'est en ces termes que Paul Eluard et moi nous ouvrions naguère une enquête dont la revue Minotaure a fait connaître les résultats. 
(…) Il s'agissait pour nous de savoir si une rencontre, choisie dans le souvenir entre toutes et dont, par suite, les circonstances prennent, à la lumière affective, un relief particulier, avait été, pour qui voudrait bien la relater, placée originellement sous le signe du spontané, de l'indéterminé, de l'imprévisible ou même de l'invraisemblable, et, si c'était le cas, de quelle manière s'était opérée par la suite la réduction de ces données. Nous comptions sur toutes observations, même distraites, même apparemment irrationnelles, qui eussent pu être faites sur le concours de circonstances qui a présidé à une telle rencontre pour faire ressortir que ce concours n'est nullement inextricable et mettre en évidence les liens de dépendance qui unissent les deux séries causales (naturelle et humaine), liens subtils, fugitifs, inquiétants dans l'état actuel de la connaissance, mais qui, sur les pas les plus incertains de l'homme, font, parfois surgir de vives lueurs. 
André Breton. L'amour fou

(2)
Avant même que je te pose la question, tu avais prêté l'oreille à leur conversation pour me révéler le thème du questionnaire : il s'agissait de tous les détails qui leur importaient dans la finition des vêtements.
Une enquête de confection, en somme. (3)

(3)
Plus tard, c'est devant un verre de vin que je testai sur toi la confection de certaines questions du lendemain. L'au-revoir francophone dont nous gratifia notre voisine en quittant sa table nous fit penser qu'elle avait peut-être, à son tour, écouté de quoi nous parlions dans une langue qu'elle maîtrisait sans, pour autant, réussir à être renseignée.

(4)
 Nous étions en train d'écouter la voix d'André Breton énumérant ces questions ICI, à une heure du début de l'émission.

samedi 24 janvier 2015

Une enquête sentimentale

Êtes-vous déjà monté sur une moto ?
Votre croissance a-t-elle été régulière ?
Êtes-vous fidèle à certains commerces ?
Eprouvez-vous de l'intérêt pour le folklore ?
Vous arrive-t-il 
souvent
rarement
jamais 
d'être de mauvaise foi 
?
Qu'est-ce que tomber amoureux vous a révélé de vous ?
Êtes-vous responsable ?
Vous laissez-vous influencer par la publicité ?
Avez-vous déjà eu des poux ?
Avez-vous une vie spirituelle ?
ICI, des voix sentimentales

vendredi 23 janvier 2015

Le cabinet des rêves 211

Nous sommes dans un jardin, M. et moi. 
C'est un jardin rectangulaire, clos par des murs. 
Nous sommes assis sur un banc dont le mur est le dossier mais sur lequel nous ne sommes pas adossés. 
Un grand berger allemand que nous voyons de très loin bondit vers nous et franchit l'enceinte du jardin, il court très vite sur les bancs qui font le tour et passe comme une flèche dans notre dos sans sembler s'apercevoir de notre présence avant de filer par la porte entrouverte. 
Par peur qu'il revienne, je me précipite sur la porte pour la fermer et, même si je sais que c'est en vain -il aurait plus de force que moi s'il voulait entrer- je m'appuie sur elle pour la maintenir close. 

Rêve du 17 décembre 2014

jeudi 22 janvier 2015

La vie des pages (14)

Pour d’autres que nous, pour d’autres que Véra et moi, la vie dans Notre Château serait triste et monotone. Nous ne sortons pas, nous ne recevons personne, nous passons nos journées à lire et relire les livres de Notre Bibliothèque. Je sors le jeudi, faire les courses et acheter les livres dont nous avons tellement besoin. Les livres encore les livres. Ils sont ce qu’il y a de plus important pour nous. Nous lisons encore et encore. Nous lisons toujours.
Elle est étonnante notre vie. Elle est extraordinaire, même. Rien de commun. Personne d’autre que nous ne pourrait mener une telle vie. Je sais que nous sommes uniques, Véra et moi.
Une vie que nous menons de manière très ordonnée. Une vie réglée. Une vie qui, chaque jour, est différente, même si identique. Une vie en attente.
Une vie doucement mélancolique.
Emmanuel Regniez. Notre château (extrait). 

Parfois il est bon être chez soi, rester chez soi, tendre le bras vers une étagère. 
Ou faire un emprunt, à l'enfant
-Tu as déjà entendu l'expression "kiri-oboeru" ?
-Quoi, demandai-je, surpris de l'entendre parler japonais. 
-C'est un vieil adage de samouraï qui signifie "abats ton ennemi et apprends".
Je secouai la tête. 
-Ca ne me dit rien. 
-Tsukahara Bokuden, Ittosai Itô, Musashi Miyamoto. Tous de fameux samouraïs à leur époque. C'était il y a cinq cents ans de ça. 
-Je crois que j'ai déjà lu un manga sur Miyamoto.
-Fichus gamins ! Incapables de faire la différence entre Bokuden et Botman.
Ferrell poussa un soupir exaspéré. Voilà qu'il en connaissait plus sur l'histoire de mon pays que moi, Japonais pur souche. 
Hiroshi Sakurazaka. All you need is kill.

mercredi 21 janvier 2015

Anthropologue
de 
moi-même


puisque je ne pouvais partir 
en vacances de moi
je fis mon bagage pour partir
en vacances en moi

mardi 20 janvier 2015

Tuesday self portrait

-Il y a une chose que je voudrais savoir. 
Sa voix envahit mon armure, aussi claire que le cristal. Un ton doux, léger, totalement à l'opposé de la hache de deux mètres et du carnage qu'elle vient de perpétrer. 
-C'est vrai que le thé vert qu'ils servent au Japon à la fin du repas est gratuit ?
Le sable électroconducteur qui s'écoulait du Mimic abattu volette dans le vent. Je peux entendre le hurlement lointain des obus en vol. On est sur un champ de bataille, le désert carbonisé de Yonabaru, le capitaine Yuge et le reste de mon peloton sont morts. Une forêt d'obus métalliques. Un endroit  où ton armure se remplit de sa propre pisse et de ta merde. Où tu te traines dans un bourbier de sang et de bouillasse. 
-J'ai déjà eu quelques soucis pour avoir cru tout ce que je lisais. Alors je me suis dit que par précaution, il valait mieux demander à un autochtone, continua-t-elle. 
Je suis là, à demi mort, couvert de merde, et tu veux parler de thé ?
Quelle personne peut bien s'approcher de toi, te balancer par terre à coup de pied et te poser ensuite des questions sur le thé ? Qu'est-ce qui lui passe par la tête, bordel ? J'aimerais bien lui dire le fond de ma pensée mais les mots refusent de sortir. Ils me viennent à l'esprit, mais ma bouche a oublié comment elle fonctionne : une litanie d'injures reste bloquée à la sortie. 
-C'est ça le problème avec les bouquins. La moitié du temps, l'auteur n'a foutrement aucune idée de ce sur quoi il écrit -surtout ceux qui donnent dans le roman de guerre. 
Hiroshi Sakurazaka. All you need is kill

lundi 19 janvier 2015

Le finistère (fragments d'insularité)

Au début j'ai pensé : 
ce qu'il y a derrière, quand on se tient au bord de la mer,  
le début d'un continent, l'extrémité d'une île... 
dans tous les cas de la terre.
Alors que : 
je ne sais pas pourquoi mais non. 
En réalité non. 

Comme : 
petite, il me paraissait si exceptionnel de partir en vacances dans les îles
Alors que :
là où je vivais d'ordinaire en était déjà une autre.


dimanche 18 janvier 2015

What Do You Think About ?

A nouveau, j'étais assise en haut des marches (1), à nouveau avec les animaux (2), à nouveau je lisais (3). 
Mais, cette fois, j'entendais le bruit des ustensiles, de l'eau qui coulait, je sentais l'odeur des pommes de terre que tu faisais sauter, cette fois et pour la première fois, tu étais en train de nous cuisiner une tortilla. 
Descendue à la cuisine, je la trouvai fumante et belle dans nos assiettes. 
Pendant qu'elle refroidissait un peu, je te soumis l'expérience de pensée de la machine à expériences
Supposez qu'il existe une machine qui puisse vous faire vivre toutes les formes d'expériences que vous souhaitez. 
Des neuropsychologues géniaux seraient capables de stimuler votre cerveau de telle sorte que vous pourriez croire et ressentir que vous êtes en train d'écrire un grand roman, de vous faire un bon ami, de lire un livre intéressant ou de faire n'importe quoi d'autre qui correspond à vos désirs. Mais, en fait, vous seriez en permanence dans la machine, avec des électrodes branchées sur le crâne. C'est vous qui fixeriez le programme des expériences que vous souhaiteriez avoir pour deux ans disons. Ensuite, vous auriez quelques heures hors de la machine pour choisir le programme des deux années suivantes. Bien entendu, une fois dans la machine, vous ne sauriez pas que vous y êtes; vous penseriez que tout arrive vraiment. 
Vous brancheriez-vous ?
Tu me répondis... je souriais.


(1) jamais je n'oublie que c'est là que tu rédigeas le brouillon du tout premier mail que tu m'écrivis, il y a presque trois ans, maintenant.

(2)

(3)
C'est avec ces interrogations à l'esprit que des philosophes ouverts aux disciplines empiriques ont commencé à s'intéresser aux travaux des sociologues et des psychologues portant sur les jugements moraux spontanés de toutes sortes de personnes, un peu partout dans le monde, philosophes et non-philosophes, d'âges, de sexe, de niveau d'éducation, de religion, de langue, de culture, de catégorie sociale différents. 
Ils ont proposé de poser au plus grand nombre les questions étranges que les philosophes professionnels se posaient à eux-mêmes (et aux autres philosophes) : 
"Est-il permis de tuer une personne pour prélever ses organes et sauver ainsi la vie de cinq autres personnes en attente de greffe ?"
"Est-il permis de détourner un tramway qui risque de tuer cinq personnes vers une voie d'évitement où une seule sera écrasée ?"
"L'inceste peut-il être pratiqué en toute innocence ?"
"Est-il immoral de nettoyer les toilettes avec le drapeau national ?"
Et c'est ainsi qu'est née la philosophie morale expérimentale ! 
Ruwen Ogien. L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine

samedi 17 janvier 2015

Une enquête sentimentale

Êtes-vous accoutumé à parler de vous ?
Quelle découverte musicale vous a récemment enthousiasmé ?
Êtes-vous 
beaucoup 
un peu
pas du tout
porté à l'introspection 
Quel est le dernier fruit que vous ayez mangé après l'avoir cueilli ?
Restez-vous 
souvent
rarement
jamais 
à ne rien faire 
?
Y a-t-il des mots que vous avez beaucoup employés à une époque et qui ont totalement disparu de votre vocabulaire maintenant ?
Avez-vous un légume préféré ?
Si oui, lequel ?
Avez-vous le courage de vos opinions ?
Tirez-vous parti de vos rêves ?
Sortez-vous toujours avec de l'argent sur vous ?
ICI, des voix sentimentales

vendredi 16 janvier 2015

Le cabinet des rêves 210

Je vais faire des courses au supermarché et je me dirige vers le rayon bio frais : un frigo en tête de gondole. 
Je sais qu'il y a, là, parfois, du yaourt ou de la crème végétale (?) mais, ce jour-là, il n'y en a pas. 
Je fais semblant de pleurer comme une petite fille, ce qui fait rire O. de A. et B. D. que je viens de voir. 
Ils sont en vacances chez des amis (nous sommes dans le Nord, où j'habite) et nous nous parlons comme si nous nous connaissions alors que c'est notre première rencontre. 
Ce qui me surprend vraiment, c'est leur taille : ils sont très petits tous les deux. 

Rêve du 9 janvier 2015

jeudi 15 janvier 2015

La vie des pages (13)

Quand le soleil prend des vacances, je monte au deuxième étage où le fauteuil rouge me tend les bras pour me réchauffer et, parfois aussi, veiller ma somnolence. 
Ce jour-là, distraite, je laissai mon regard courir sur les étagères, notant et déplorant l'absence d'un livre que j'avais vu auparavant, dont le titre L'histoire du silence et le début du résumé "Ce roman parle d'un autre livre qui n'arrive pas être écrit" m'avaient plusieurs fois donné envie de le lire. 
Rentrée chez moi, surprise, je le vis sur mon bureau où je l'avais posé avant d'oublier que je l'avais emprunté. 

Finalement, j'ai pris un livre de consultation et je me suis assis parmi les lecteurs. Il y avait là tant de sérénité -tant d'activité souterraine et silencieuse- comme dans un fumoir d'opium. J'ai entendu avec beaucoup de clarté la rumeur que faisaient les livres en parlant entre eux, leur échange caché de confidences, de secrets et de révélations dans le labyrinthe de ces étagères couvertes de poussière, et j'ai su ce que cherchait Irene quand elle s'enfermait là : quelque chose de plus que les nouvelles du  monde, quelque chose de plus que la réponse aux questions qu'elle pouvait formuler, quelque chose qui ne pouvait sûrement pas se dire avec des mots ni s'écrire et qui, cependant, se trouvait entre ces murs, vivant, palpable.

Traduction libre d'un extrait de La historia del silencio de Pedro Zarraluki.*


*Finalmente, cogí al azar un libro de consulta y me senté entre los lectores. Había allí tanto sosiego -tanta actividad subterránea y callada- como en un fumadero de opio. Oí con toda claridad el rumor que hacían los libros al hablar entre ellos, su oculto trasvase de confidencias, de secretos y revelaciones en el laberinto de aquellas estanterías cubiertas siempre de polvo, y supe lo que buscaba Irene cuando se encerraba allí : algo más que noticias del mundo, algo más que respuesta a las preguntas que pudiera formular, algo que seguramente no podía decirse con palabras ni podía escribirse y que sin embargo se encontraba entre aquellas paredes, vivo, palpable. 

mercredi 14 janvier 2015

Paper dolls

Avant qu'un tout petit vent à peine frais nous ébouriffe mollement, nous au soleil dans le parc, nous tous, des cotonnades ou des twin sets aux manches retroussées auraient suffi à nous vêtir. 
Alors que : un défilé de bonnets, capuches et bottes fourrées, parkas et cuirs. 
Quelques semaines avant, ils jouaient la comédie des sports d'hiver sur la piste miniature rythmée de chants de Noël. 
La ville n'est parfois qu'un simulacre, les gens pas des gens. 
Mais : des silhouettes en carton aux cols roulés à languettes. 

mardi 13 janvier 2015

Tuesday self portrait

Mon récit n'est déjà pas très clair, lorsque je vais lentement et que je m'applique; que serait-il, si je l'écrivais de plein jet ? Echevelé, incohérent. Moi, son père, je ne le reconnaîtrais plus pour mon fils. Il faut beaucoup de précautions pour une histoire où la mémoire a tant de part; le moindre désordre dans l'exposé des faits, et tout est perdu, il faut tout recommencer, ce dont je me garde comme du feu, car les secondes versions ne sont jamais les bonnes. Vous trouverez peut-être prétentieux mon souci de bien dire les choses secondaires, quand les plus importantes vont si mal; vous sourirez de me voir mettre mon orgueil à bien faire, lentement, ce que n'importe qui d'instruit ferait tout naturellement, en laissant courir la main; pourtant vous me comprendrez, en considérant que l'effort d'écrire presque sans arrêt depuis quatre mois n'a pas d'équivalent dans ma vie. 
Les choses ne sont jamais ce que nous les imaginons à première vue; il suffit parfois de les voir de près, de commencer à y travailler, pour y découvrir des aspects si étranges, si inconnus même, qu'ils nous font perdre jusqu'au souvenir de notre idée première; il en est ainsi des visages ou des villes que l'on imagine avant de les connaître, ils prennent en nous des formes bien vite effacées au contact de la réalité. Ainsi de ce papier lui-même; en huit jours, je pensais l'expédier, aujourd'hui -après cent vingt- je souris de mon innocence.
Camilo José Cela. La famille de Pascal Duarte

lundi 12 janvier 2015

Résidence d'écriture (fragments d'insularité)

Moi aussi.
Moi aussi, (1), je reste silencieuse devant :
ou bien,
sans accumuler les synonymes
-admirable, charmant, éblouissant, enchanteur, magnifique, merveilleux, splendide, sublime, superbe-
ce que je dis,
le plus souvent,
n'a rien d'unique, de poétique :
C'est beau.

Alors d'où vient 
qu'ici
ont séjourné tant d'écrivains.(2)

(1)
C'est une ces vues qui accablent parce qu'elles ne laissent rien à désirer, rien à imaginer. Tout ce que le poète et le peintre peuvent rêver, la nature l'a créé en cet endroit. Ensemble immense, détails infinis, variété inépuisable, formes confuses, contours accusés, vagues profondeurs, tout est là et l'art n'y peut rien ajouter. 
George Sand. Un hiver à Majorque.
(2)
Robert Graves (3) mais aussi Ernst Jünger (5), Albert Camus, Gertrude Stein, Jean Cocteau, Paul Morand, Jorge Luis Borges, D.H. Lawrence, Jean Giono, Camilo José Cela, Kingsley Amis, W.B. Yeats, etc

(3)
J'ai choisi Majorque pour m'établir il y a un quart de siècle parce que son climat a la réputation d'être le meilleur d'Europe. Et parce qu'on (4) m'a assuré -avec raison, comme j'ai pu le vérifier- qu'on pouvait vivre ici avec un quart de ce qui est nécessaire en Angleterre. Et parce que l'île est assez grande -environ 2000 kilomètres carrés- pour que je ne me sente pas claustrophobe.

(4)
Quand j'y pense, la première personne qui m'a recommandé Majorque a été Gertrude Stein.
(…) Gertrude, qui parlait toujours raisonnablement, m'a assuré que les Majorquins étaient joyeux, propres et aimables, culturellement proches du sud de la France et agriculturellement encore ancrés dans le dix-huitième siècle. Elle a ajouté qu'il n'y avait aucun piège : que si j'aimais le Paradis, Majorque l'était, le Paradis. Elle, de son côté, préférait passer la majeure partie de l'année à Paris.
(…)
De sorte que je m'y suis installé et Gertrude avait raison : il n'y a aucun piège, excepté pour ceux qui transportent avec eux leur enfer personnel.
Robert Graves. Por qué vivo en Mallorca
(Je traduis ici librement la traduction espagnole qu'ont réalisée Lucía Graves et Natalia Farrán Graves de l'anglais)

(5)
"Des années plus tard, en 1931, Jünger visita enfin Majorque.

C'est seulement à la fin -raconte-t-il dans Jeux africains- que j'ai réalisé que mon hôtel se trouvait juste à l'extrémité opposée de la tour solitaire. Je n'ai pas pu renoncer à escalader le sommet de la tour
qui, peut-être, avait autrefois servi de tour de guet contre les pirates berbères. Là m'est apparue comme dans un miroir enchanté l'autre partie de l'île que je n'avais pas encore vue.

La tour est La Talaia d'Albercutx, située sur la route qui conduit de Pollensa à Formentor. Le petit hôtel où il logea -où étaient hébergés également les officiers anglais pendant leur retour des Indes et, des années plus tard, l'écrivain Agatha Christie- était l'Illa d’Or, à Puerto Pollensa.
Nous savons aussi qu'il visita Alcudia, Formentor, Palma et, probablement l'ermitage de Santa Magdalena à Inca."

Extrait librement traduit d'un article de la revue Fronterad.

dimanche 11 janvier 2015

faire corps

/fɛʁ kɔʁ/ 
(se conjugue : voir la conjugaison de faire)
Locution verbale
 Contracter une forte adhérence
 s’unir de manière à ne faire qu’une chose. 

samedi 10 janvier 2015

Une enquête sentimentale

Vos yeux changent-ils parfois de couleur ?
Vous rendez-vous 
souvent
rarement
jamais
sur des îles ?
Avez-vous déjà été élu ?
Y a-t-il un événement dans le monde qui a marqué l'année de votre naissance ?
Vous souvenez-vous de la première fois où vous êtes allé à l'étranger ?
Y a-t-il des rayons des supermarchés où vous n'allez jamais ?
Si vous étiez acteur, quel rôle voudriez-vous absolument incarner ?
Vous arrive-t-il 
souvent
rarement
jamais 
d'acheter des billets sans retour ?
Y a-t-il un endroit du monde où vous êtes sûr de ne jamais aller ?
Y a-t-il un sportif que vous admirez particulièrement ?
ICI, des voix sentimentales

vendredi 9 janvier 2015

Le cabinet des rêves 209


Souffrant d'une insomnie, je quitte la maison et rejoins une grande pièce (une espèce de grange) où il y a tous nos animaux (les deux chiens, le chat et deux chevaux) ainsi que J.M.
Mais un violent orage éclate et l'électricité est coupée.
Je crains que ce soit dangereux de rentrer et je décide que nous devons y aller sans tarder. 
La rue est, par moment, plongée dans une profonde obscurité. 
Des personnes juchées sur des échelles tentent de rétablir le courant, y parviennent momentanément. 
Des étincelles jaillissent de leur poste de travail et je fais attention de les éviter. 
En approchant de la maison, je crains que M. se soit éveillé et inquiété de ne voir personne à la maison. 
Quand j'arrive, je trouve la porte ouverte car J.M. est arrivé avant moi et avait ses clefs. 
Tout le monde est dans l'atelier : les animaux installés comme s'ils n'en avaient jamais bougé. M. et J.M. comme s'ils avaient commencé il y a longtemps la conversation qu'ils sont en train d'avoir. 
M. déconseille d'emporter des oeufs pour manger : c'est trop fragile. 

Rêve du 15 décembre 2014


jeudi 8 janvier 2015

La vie des pages (12)

L'heure était presque paresseuse car le soleil de midi s'étendait lascivement sur la table où j'avais ouvert mon livre. 
Tout était calme, tranquille
puis les enfants, petit à petit, avaient envahi l'espace de leurs questions, de leurs rires, de leurs conversations. 

Avant de partir sur l'écran, soudain.
Les nouvelles du monde, une détonation. 


mercredi 7 janvier 2015

Temps de saison

C'est le Célèbre Ecrivain Australien qui leur avait dit de tenir un journal du climat. Observer le climat, décrire le climat, n'est pas facile. Faites attention à l'usage littéraire du climat.
Francisco Goldman. Dire son nom

mais évoquer les taches de rousseur de la terrasse matinale, les pique-niques un jour sur deux, la première fleur d'amandier en même temps que les mitaines de rigueur dans la maison ce serait, somme toute, se résoudre à rédiger un marronnier. 

mardi 6 janvier 2015

Tuesday self portrait

N'importe quelle circonvolution cérébrale, de même que n'importe quelle rue, possède ses faits divers. Les pensées avancent sur le trottoir gris du cerveau tantôt dans les rangs serrés du syllogisme, tantôt s'éparpillant en passants solitaires, comme des épis vides. Dans le crâne de celui qui est pendu au téléphone, les pensées sont elles aussi pendues toute la journée à des fils associatifs, faisant et défaisant les liens. Certaines pensées mènent une vie solitaire, pantouflarde, dans leurs neurones. D'autres parcourent en tous sens les circonvolutions du cerveau en quête d'un surcroît de pensée. A la nuit, la ville cérébrale, bien à l'abri sous la calotte crânienne, s'endort. Les passerelles entre les dendrites se retirent. Les pensées sombrent dans le sommeil -et seuls les rêves gardent la nuit en patrouillant dans les méandres vides du cerveau. 
Sigismund Krzyzanowski. Rue Involontaire

lundi 5 janvier 2015

L'enfer (fragments d'insularité)

"La majorité des gens sont convaincus qu'ils ne vivront pas toute leur vie dans la même ville. Ils croient qu'ils finiront par retourner dans leur village, ou par partir dans la Sierra Navada ou sur une île. Mais les seuls qui partent sont les retraités finlandais ou allemands. De plus, les gens ne s'imaginent pas avec un déambulateur, comme ces retraités, ni dans un village touristique. Ils se voient comme de vieux loups de mer, méditant, le regard perdu sur l'horizon. Et je me voyais ainsi. Comme je suis espagnol je ne pensais pas partir dans la Sierra Nevada mais quelque part en Afrique. Et putain, là je me suis rendu compte que tout ça, ce sont des fantasmes, je ne vais aller nulle part. Je vais mourir ici, à Madrid. Cela me désespère quand j'y pense." 
Traduction libre d'un extrait de El padre de Blancanieves de Belén Gopegui.
Alors je leur ai dit : 
les baigneurs
,
 les plongeurs
,
 les bateaux
,
 les bouées
,
 les radios
,
 les odeurs
,
 les scooteurs
,
 la chaleur
Mais, même à moi, cela parait toujours de la science-fiction : 
je ne vais à Aucanada que trois mois par an
seulement quand c'est désert. 

dimanche 4 janvier 2015

Saturday come slow

La journée avait commencé comme souvent.
Et avait continué comme tout le temps.*
Le soir, cependant, il y avait dans l'air une allégresse qui, les autres jours, n'y était pas. 
Face à la mer, j'ai célébré solitairement, intérieurement,
 ton retour prochain, 
la fin de ma carrière de femme de marin. 



*Cette fois, cependant, les pages lues sur l'escalier étaient en français : 
Je pense : "J'ai vécu une année riche en événements, et pourtant je n'y comprends rien, rien de plus qu'un nourrisson. De tous les gens de cette ville, je suis le moins apte à rédiger un Mémorial. Mieux vaut le forgeron avec ses cris de rage et de chagrin."
Je pense : "Mais quand les barbares goûteront le pain, du pain frais avec de la confiture de mûres, ils seront gagnés à nos moeurs. Ils s'apercevront qu'ils ne peuvent pas se passer du savoir-faire d'hommes qui savent faire croître les épis pacifiques, ni de l'adresse des femmes qui savent employer les fruits bienveillants."
J.M. Coetzee. En attendant les barbares.

samedi 3 janvier 2015

Une enquête sentimentale

Connaissez-vous votre groupe sanguin ?
Quelle est votre chanson d'amour préférée ?
Vous arrive-t-il d'être gêné par vos voisins ?
Avez-vous déjà fait quelque chose par vengeance ?
Si vous recevez des cadeaux qui ne vous plaisent pas, qu'en faites-vous ?
Dites-vous
souvent
rarement
jamais
"Je ne l'ai pas fait exprès"
?
Pourquoi (n') aimez-vous (pas) voyager ?
Comment vous consolez-vous d'un chagrin ?
Avez-vous déjà écrit quelque chose sur votre main afin de ne pas l'oublier ?
Quelle est votre manière préférée de manger des oeufs ?
ICI, des voix sentimentales

vendredi 2 janvier 2015

Le cabinet des rêves 208

M.M. est en train de dessiner quelque chose par terre. 
Il n'arrête pas de répéter : C'est très chargé, je charge beaucoup.
Il ne me le dit pas mais je finis par comprendre qu'il fait ce dessin pour moi, pour me remercier de quelque chose (?). 
Il ne me le donne pas, cependant. 
Comme si je ne l'avais pas assez admiré, pas assez mérité. 

Rêve du 23 septembre 2014

jeudi 1 janvier 2015

2015

J'achetais des piles de livres, mais ne les lisais pas. Je scotchais des feuilles de papier au mur, mais ne dessinais pas. J'ai glissé ma guitare sous le lit. Le soir, seule, je me contentais d'attendre dans le plus complet désoeuvrement. Une fois de plus, je me suis retrouvée dans la nécessité de réfléchir à ce que je devais faire pour accomplir quelque chose de valable. Toutes les idées qui me venaient semblaient insolentes ou vaines. 
Le jour de l'An, j'ai allumé une bougie pour Roberto Clemente, le joueur de base-ball favori de mon frère. Il avait péri dans une mission humanitaire pour aider le Nicaragua après un tremblement de terre. Je me suis fustigée pour mon inactivité et ma complaisance, et j'ai pris la résolution de me consacrer  de nouveau pleinement à mon travail. 
Dans la soirée, je me suis assise sur le sol de St Mark's pour le marathon de lecture annuel (…). J'ai repensé à ma mère qui disait que ce qu'on fait le 1er janvier préfigure ce que l'on fera le reste de l'année. Sentant l'esprit de mon saint Gregory privé, je me suis juré que 1973 serait mon année poétique. 
Patti Smith. Just kids
J'avais impassiblement traversé le rayon cosmétique effervescent en hésitant encore : 
remettrais-je la mer à l'année prochaine
ou pas ?
Tout aussi indifférent au calendrier, le soleil s'est couché à Barcares, comme les autres jours. 
En rentrant sous la lune j'ai formulé quelques voeux.