Je persiste à m'éveiller à l'aube.
Ainsi, je supervise le lever du soleil.
Jeudi 13 octobre
Traduction libre d'un extrait* de Los diarios de Emilio Renzi de Ricardo Piglia.Je lis ce que j'ai écrit dans ces carnets, désordre des sentiments. Je cherche une poétique personnelle qui ne se voit pas (encore). Un journal enregistre les faits pendant qu'ils se passent. Il ne les rappelle pas, il les enregistre seulement au présent. Quand je lis ce que j'ai écrit dans le passé, je trouve des blocs d'expérience et la lecture seule permet de reconstruire une histoire qui se déplace au fil du temps. Ce qui se passe se comprend ensuite. On ne doit pas raconter le présent comme s'il était déjà passé.
*Jueves 13 de octubre
Leo lo que escribí en estos cuadernos, desorden de los sentimientos. Busco una poética personal que aquí ne se ve (todavía). Un diario registra los hechos mientras suceden. No los recuerda, sólo los registra en presente. Cuando leo lo que escribí en el pasado encuentro bloques de experiencia y sólo la lectura permite reconstruir una historia que se desplaza a lo largo del tiempo. Lo que sucede se entiende después. No se debe narrar el presente como si ya hubiera pasado.
L'école n'est pas loin. Ferdinand arrête la Land Rover et nous y entrons. Les enfants se mettent debout et nous regardent : quelques uns avec étonnement, d'autres avec curiosité. Nous nous approchons du fond de la salle et Ferdinand nous présente au professeur, Gabriel, un noir très grand et fort. Ferdinand dit en français aux enfants que nous sommes des amis et que nous venons d'Espagne. Il s'approche d'une carte suspendue au mur et désigne la péninsule ibérique. Il dit aux enfants qu'ils peuvent nous poser des questions. Ferdinand traduit du français à l'espagnol puis de l'espagnol au français quand Jaime ou Cristina répondent. Moi, je réponds directement en français. Les enfants ne paraissent pas surpris par mon français bien que, parfois, je ne comprenne pas le leur. Ils veulent savoir s'il neige en Espagne, s'il fait froid, s'il y a beaucoup de voitures et de grands immeubles et quelle est notre équipe de football, le F.C Barcelone ou le Real Madrid.
Traduction libre d'un extrait* de Koundara, de David Pérez Vega.
*La escuela no está lejos. Ferdinand detiene el Land Rover y entramos en ella. Los niños se ponen de pie y nos miran : algunos con extrañeza, otros con curiosidad. Nos acercamos al fondo del aula y Ferdinand nos presenta al profesor, Gabriel, un negro muy alto y fuerte. Ferdinand les dice en francés a los niños que nosotros somos unos amigos que han venido de visita desde España. Se acerca a un mapa que cuelga de una pared y señala la península ibérica. Les dice a los niños que pueden hacernos preguntas. Ferdinand traduce del francés al español y después del español al francés cuando contestan Jaime o Cristina. Yo contesto directamente en francés. A los niños no parece sorprenderles mi francés, aunque yo a veces no entiendo el suyo. Les interesa saber si en España nieva, si hace frío, si hay muchos coches y edificios altos, y cuál es nuestro equipo de fútbol, el F.C. Barcelona o el Real Madrid.
Bruxelles, août 2011 |
Il y avait eu, je m'en souviens, je m'en souviens bien, un soupçon de brutalité, un ton de menace, cette froideur dans la voix, qui firent de Madame, de S'il vous plait, de Veuillez, des mots aussi tranchants qu'une lame qu'ils m'auraient plaquée sur la gorge, ces deux hommes, Veuillez ranger votre appareil s'il vous plait madame, et leur voix et leur tête bien au-dessus de la mienne et leur uniforme et leur assurance m'avaient fait me féliciter qu'ils ne puissent pas lire sur mes traits mon identité incertaine.
Le salon était vide. Les fenêtres n'avaient pas été ouvertes depuis des semaines. L'air était aussi sec que dans une boîte de biscuits. Les tapis sentaient la poussière civilisée; les chaises et les sofas, bien que recouverts de housses, avaient tous été disposés pour la conversation, et non pour la confrontation. Dans la salle de bains, l'un des énormes robinets était déjà en train de faire du bruit; de la véritable eau tombait goutte à goutte et Manberley y trempa le doigt, puis le lécha comme quelqu'un trouvant du miel au fond d'une tasse. Dans la chambre il y avait un lit, sous lequel il pourrait se cacher quand les murs commenceraient à s'écrouler. C'était le paradis.
Timothy Findley. Le grand Elysium hôtel.
Dans le fond nous étions abandonnés de tous et nous avions seulement les difficultés du commerce, dit-elle. Alors, au plus haut point de l'insupportable, selon elle, elle eut l'idée d'aller en avion à Majorque, avec son mari et son enfant, passer quelques semaines. Elle ne s'était pas engagée pour le voyage le meilleur marché mais si, tout de même, presque le meilleur marché, la chambre devait avoir un balcon duquel on pourrait voir la mer. Cela avait été sa seule exigence et fin août. C'est à dire, il y avait plus d'un an et demi, elle avait volé de Munich à Majorque. Vous savez, dit-elle, finalement j'ai seulement vingt-et-un ans et, ensuite, elle ne put continuer à parler. Ce fut à l'hôtel Paris, dit-elle, que nous avons logé. Je me l'étais imaginé différent. Elle ne put dire différent comment, même quand je lui demandai différent comment elle ne put le dire. Quand, pour la première fois après son arrivée, très tôt, elle alla à la mer avec son enfant, elle fut dégoûtée. Et l'enfant aussi. Ils avaient loué deux transats et avaient passé quelque heures en silence, juste sous les murs de l'hôtel, sur ces transats, avec mille ou deux mille personnes. Ils n'avaient pas du tout pu parler parce que, à côté de l'hôtel, il y avait des travaux qui empêchaient toute conversation. Ils avaient essayé de quitter l'hôtel mais cela ne fut pas possible, nulle part ils ne trouvèrent de logement.Traduction libre d'un extrait de Beton de Thomas Bernhard dont j'ai lu la traduction qu'en a faite Miguel Sáenz en espagnol.
ai-je pensé le seul jour parmi tant d'autres où je suis parvenue en haut de l'escalier mécanique au moment où le feu pour piétons de l'avenue passait au vert.Quand cela me fut confirmé, quelques instants plus tard, par une tasse à café prophétique dont les flancs proclamaient "Hoy vas a tener suerte"*, je fus curieuse de vivre la suite.Mais rien ne se passa plus. Rien qui ne fut identique à tous les autres jours, je veux dire.
Car, à la vérité, c'est une erreur grossière de prétendre que Rita, quand elle est ivre, veut montrer ses seins à tout le monde, parce que, de toute façon, elle est toujours ivre et que la plupart du temps elle est habillée jusqu'au cou. Non d'après le Mathématicien, si elle fait ça de temps en temps, ce n'est pas tant par alcoolisme ou exhibitionnisme que par timidité : que faire, de quoi parler, comment se comporter en société ? Simuler un intérêt pour des conversations stupides ou prendre des poses prétentieuses, essayer de réfuter des arguments inattaquables mais complètement faux, justifier pourquoi nous préférons la pâte de coings à celle de pommes ou Miró à Dalí ? Ah non ! mieux vaut rester dans un coin à se taire, en buvant gin sur gin, en fumant du tabac noir jusqu'à ce que, à un moment donné de la nuit, de façon brusque et pour passer enfin à l'action après un marasme insupportable, sans savoir quel comportement juste adopter ni quel mot vrai proférer, pour libérer l'angoisse, paf, les seins à l'air. Et ça bien sûr, sans aucune préméditation, de façon compulsive plutôt, au moment où non seulement les autres mais elle-même l'attendent le moins.Juan José Saer. Glose.
Pour bien faire, il aurait fallu que je te parle aussi de la géolocalisation et du droit à l'oubli mais : du monde tel qu'il va, j'en sais à peine davantage que toi. A nous entendre, certains nous auraient sûrement pensés martiens. Or : non. Car nul n'était plus terrien que nous, en ce jour de week end long, où nous avions, au contraire de tous les autres, quitté le bord de l'île pour en gagner l'intérieur.
Et cet été me semblait atténué par la confusion blanchâtre du nuage sur la vitre, au-dessus de la place, sur la place même, sur la rivière paisible à quelques centaines de mètres de là. C'était l'été qui enflait à trente mètres d'ici, charriait du néant, un air lent, une odeur de jasmin en provenance des fermes, la tendresse d'une peau étrangère se chauffant au soleil."L'été, dis-je plus ou moins directement, à lui ou à la table."
Juan Carlos Onetti. A une tombe anonyme.
Comment j'ai lu un de mes livres pourrait être le titre de mon autobiographie (si je l'écrivais).Premier point, les livres de ma vie de l'époque, pas tous ceux que j'ai lus mais seulement ceux dont je me souviens nettement la situation et le moment où je les ai lus. Si je me rappelle des circonstances dans lesquelles j'étais avec un livre, c'est pour moi la preuve qu'il fut décisif. Ce ne sont pas forcément les meilleurs ni ceux qui m'ont influencé mais ce sont ceux qui ont laissé une trace. Je vais garder ce critère mnémotechnique, comme s'il n'y avait rien de plus que ces images pour reconstruire mon expérience. Un livre a une qualité intime dans mon souvenir seulement si je me vois en train de le lire.
Traduction libre d'un extrait* de Los diarios de Emilio Renzi. Años de formación. (Les journaux de Emilio Renzi. Années de formation) de Ricardo Piglia.
*Cómo he leído alguno de mis libros podría ser el título de mi autobiografía (si la escribiera).Punto primero, los libros de mi vida entonces, pero tampoco todos los que había leído sino sólo aquellos de los cuales recuerdo con nitidez la situación, y el momento en que los estaba leyendo. Si recuerdo las circunstancias en las que estas con un libro, eso es para mí la prueba de que fue decisivo. No necesariamente son los mejores ni los que me han influido : pero son los que han dejado una marca. Voy a seguir ese criterio mnemotécnico, como si no tuviera más que esas imágenes para reconstruir mi experiencia. Un libro en el recuerdo tiene una cualidad íntima, sólo si me veo a mí mismo leyendo.
Les leçons que s'obstinent à vouloir me donner les serviettes en papier posées sur les tables me paraissent avoir moins de valeur que les cafés que j'y bois.
"Je fais mon travail intellectuel en moi, et une fois avec mes semblables, il m'est à peu près indifférent qu'ils soient intelligents, pourvu que gentils, sincères, etc."
C'est seulement d'un point de vue continental que l'on peut croire que le fait qu'une île se trouve à plusieurs semaines de voyage en bateau de la terre la plus proche en fait un paradis. C'est seulement pour ceux qui vivent sur le continent que chaque morceau de terre entouré d'eau de tout côté semble être le lieu parfait pour projeter des expériences utopiques et des paradis terrestres.Traduction libre d'un extrait de l'Atlas des îles abandonnées de Judith Schalansky
A la moitié de la saison, je suis aussi surprise qu'une sprinteuse qui se souvient soudain qu'elle s'est inscrite à un marathon.