De château, l'Escarayol n'en avait que le nom.(…) A l'étage, il y avait deux chambres, une grande et une plus petite. J'installai ma machine à écrire dans la grande et mon lit dans la petite. Je poussai la table devant la double-fenêtre et me mis immédiatement à écrire, trois lignes, les trois premières lignes de mon dernier chapitre, histoire de me souhaiter la bienvenue et bon travail dans cette maison.Ce furent là les seules et uniques lignes que je devais écrire à l'Escarayol malgré les sommations de mon éditeur qui s'impatientait. … Un écrivain ne doit jamais s'installer devant un panorama, aussi grandiose soit-il. J'avais oublié la règle. Comme saint Jérôme, un écrivain doit travailler dans sa cellule. Tourner le dos. (2) On a une page blanche à noircir. Ecrire est une vue de l'esprit. C'est un travail ingrat qui mène à la solitude. On apprend cela à ses dépens et aujourd'hui je le remarque. Aujourd'hui, je n'ai que faire d'un paysage, j'en ai trop vu ! "Le monde est ma représentation". L'humanité vit dans la fiction. C'est pourquoi un conquérant veut toujours transformer le visage du monde à son image. Aujourd'hui, je voile même les miroirs. Tout le restant est littérature. On n'écrit que "soi". C'est peut-être immoral. Je vis penché sur moi-même. "Je suis l'Autre."
(2)
Le cabinet de travail de Remy de Gourmont donnait sur une cour, 71, rue des Saints-Pères, à Paris. Au 202 du boulevard Saint-Germain, Guillaume Apollinaire, qui disposait d'un vaste appartement avec des grandes pièces et d'un belvédère avec une terrasse sur les toits, écrivait de préférence dans sa cuisine, à une petite table de bois blanc, où il était fort inconfortable. Edouard Peisson, qui a une bonne petite maison dans les collines aux environs d'Aix-en-Provence, ne travaille pas dans un pièce du devant, d'où il pourrait jouir d'une belle vue donnant sur un vallon et des lointains où la lumière joue, mais il s'est fait construire un petit coin, par-derrière, sa bibliothèque, dont la fenêtre donne sur un talus bordé de lilas. Et moi-même à la campagne, dans ma maison du Tremblay-sur-Mauldre, je n'ai jamais travaillé au premier qui donne sur des vergers, mais dans la pièce du bas, qui donne d'une part sur une impasse, derrière une étable, et d'autre part sur un mur qui ferme mon jardinet.
Blaise Cendrars. L'homme foudroyé.
d'ailleurs, ces jours-là, face à :
, je n'avais rien écrit.