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mais j'aime, aussi, les rencontres inattendues, dans les bibliothèques de hasard, avec des livres qui, je crois, n'attendent plus personne
Il ne pouvait reprocher leurs terreurs à ces gens : il faut ne croire à rien pour n'avoir pas peur de la grande brousse, la nuit. Rien dans cette forêt qui puisse captiver un esprit romanesque. Elle est complètement vide. Elle n'a jamais été humanisée, comme le furent les bois en Europe par des enchanteurs, des charbonniers et des chaumières de frangipane; personne ne s'est jamais promené sous ces arbres en pleurant sur un amour perdu, personne n'y a écouté le silence et n'a communié avec son coeur comme le firent les poètes "lakistes". D'ailleurs, on n'y trouve jamais de silence; ici, lorsqu'un homme désire se faire entendre la nuit, il faut qu'il élève la voix pour dominer le perpétuel crissement des insectes, comme s'il était au milieu de quelque montreuse usine où des milliers de machines à coudre seraient activées sans répit par des myriades d'ouvrières besogneuses. Pendant une heure environ seulement, dans la pleine chaleur de midi, le silence règne, les insectes font la sieste.
Mais si, comme ces Africains, l'on croit à quelque sorte de divinité, n'est-il pas tout aussi possible qu'un Dieu existe dans ces régions solitaires que dans les espaces vides du ciel où les hommes l'ont une fois pour toutes logé ? Il semble aujourd'hui vraisemblable que ces bois demeureront inexplorés plus longtemps que les planètes. Les cratères de la lune sont déjà mieux connus que la forêt voisine où l'on peut pénétrer, à pied, quand on le veut. L'odeur âcre et aigre de chlorophylle montant des végétaux en décomposition et de l'eau stagnante des marais s'abattit sur le visage de Querry comme le masque du dentiste.
Graham Greene. La saison des pluies. Traduit de l'anglais par Marcelle Sibon. Editions Robert Laffont, collection "Pavillons"
et dont les publicités nichées dans les dernières pages me donnent des nouvelles de l'actualité éditoriale d'une année où j'étais loin d'être née, où de nombreux auteurs étaient loin d'être morts.
COLLECTION "PAVILLONS"
dirigée par Armand Pierhal
La collection "Pavillons" compte aujourd'hui près de deux cents titres. Depuis le premier volume paru en 1945, elle s'est efforcée à la fois de rechercher la qualité et de stimuler chez ses lecteurs le goût de la découverte : le nombre des auteurs ne se compte plus qu'elle a lancés en France, de Graham Greene à Hans Hellmut Kirst et de Nino Buzzati à Betty Mac Donald. Le lecteur qui a lui-même le goût de la nouveauté aura toujours la possibilité de choisir entre des livres aussi divers que les romans hindous de Kamala Markandaya, Soldats inconnus, le grand livre du guerre finlandais de Vaïno Linna ou Celle qui court sur les vagues, la féerie du Russe Alexandre Grine.
En 1960 "Pavillons" a publié notamment :
Dino Buzzati
L'écroulement de la Baliverna
nouvelles traduites de l'italien par Michel Breitman
Un recueil de contes allégoriques, psychologiques et humoristiques, où le réel se mêle au fantastique, par l'auteur du Désert des Tartares, qui est unanimement reconnu comme l'un des plus grands écrivains d'aujourd'hui.
"Tout le grotesque et tout le pathétique de la vie moderne, évoqués avec une verve qui rappelle le meilleur Ionesco." L'Express.
Tenessee Williams
La statue mutilée
nouvelles traduites de l'anglais par Maurice Pons
Onze nouvelles dont les héros sont "les maudits" qui peuplent l'univers familier du grand écrivain américain.
"Un livre très chargé et très beau, scandaleux aussi, merveilleux." Claude Mauriac (le Figaro)
Budd Schulberg
Qu'est-ce qui fait courir Sammy ?
roman traduit de l'anglais par Georges Belmont
L'ascension rapide et prodigieuse d'un jeune arriviste américain qui, de garçons de courses qu'il était, finit par devenir, grâce à une activité fébrile et un certain manque de scrupules, un des plus grands producteurs de Hollywood. Une satire sociale des mielleux du cinéma américain dans la veine du Babbit de Sinclair Lewis.