lundi 15 décembre 2014

Être né quelque part (fragments d'insularité)

L'île est un grand sanctuaire de voyageurs immobiles. Je crois me souvenir que Valentí Puig avait l'habitude de dire que Majorque est si extraordinairement belle qu'elle prend au piège et offre seulement deux possibilités à un natif : se convertir en un voyageur immobile qui prend le soleil et ne sort pas d'ici ou bien larguer les amarres et passer sa vie entière à faire des tours du monde, partir.
Enrique Vila-Matas. Dietario voluble.

Est-ce d'avoir approché les cimes ?
De savoir, maintenant, ce qu'il y a derrière ?
De n'avoir qu'une heure à passer en route
pour en atteindre l'autre bout ?
L'île me parait toujours plus petite
et je ne m'habitue pas davantage qu'ailleurs
qu'on puisse y être né
et n'en pas bouger. 

J'appris très tôt que, de la même manière qu'il y en a qui voyagent beaucoup sans jamais parvenir au point de quitter leur ville natale, il y en a aussi qui voyagent souvent sans sortir du lieu où ils sont nés. Cette seconde classe de voyage -ou voyage de seconde classe- est parfois supérieure aux autres et se présente même déguisée de différentes façons : un paysage qui nous rappelle, sans qu'on sache pourquoi, un autre que nous n'avons jamais vu, un nom étranger inattendu dans l'annuaire, la brochure d'une compagnie de voyage qui n'existe plus depuis longtemps, un parfum particulier, un livre ou mille livres, une musique ou mille musiques… la liste -et certains aiment les listes- serait interminable. 
José Carlos Llop. El Japón en Los Angeles



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire