jeudi 4 décembre 2014

La vie des pages (8)

On ne m'y sourit toujours pas, on ne m'y salue pas davantage, il semblerait pourtant que, comme ailleurs, on contribue là aussi à mon destin d'enfant gâtée. Car, depuis que j'en ai emprunté un,
(Je ne vous décrirai pas tout cela en détail. Le lecteur le fera de lui-même à ma place. Il aime les histoires qui font frémir, les angoisses; il considère l'histoire comme un roman feuilleton avec des "à suivre" sans fin. On peut se demander s'il souhaite vraiment une fin sensée. Il se plait dans les lieux que jamais ses promenades ne lui ont fait dépasser. Il se délecte des préfaces et des introductions. Pour moi, au contraire, la vie commence précisément au point où le lecteur aimerait dresser le bilan.
Boris Pasternak. Sauf-conduit.) 
le rayon des livres en français s'est étoffé. Au point qu'il y en ait même sur le présentoir des nouveautés à l'entrée. A table, lunettes relevées sur la tête
(plus tôt dans la matinée, j'avais entendu à la radio la voix française de Colombo confondre un coupable en lui révélant, l'air de rien, que la victime -notoirement myope- portait, ce jour-là, ses verres de contact et que son meurtrier avait commis une erreur en lui chaussant ses lunettes après avoir pourtant tout fait pour que la scène ressemble à celle d'un suicide)  
que je penchai vers les mots, isolée ainsi de tout le monde, ressemblant ainsi à tout le monde, je choisis une nouvelle dans le sommaire comme un parfum sur la carte d'un salon de thé même si lire Doris Lessing me fait toujours l'effet du Darjeeling
(Maintenant que j'étais dehors, je ne savais que faire. Fallait-il aller déjeuner avec quelqu'un ? Ou flâner dans le parc ? Ou m'acheter une robe ? Je décidai de me rendre au bord du lac rond de Hyde Parc et d'en faire le tour toute seule. Après quatre jours et quatre nuits sans sommeil, je me sentais très lasse. Je descendis dans le métro à Oxford Circus. Midi. Des foules de gens. Je me sentais très vulnérable, mais je n'avais bien sûr nul besoin de m'inquiéter. Je suis prête à jurer qu'on pourrait se promener nu dans les rues de Londres sans que personne ne songe à se retourner.
Je descendis donc par l'escalator, en observant les visages des gens qui me croisaient en montant, comme toujours, et je m'étonnai, comme toujours, de rencontrer ainsi par hasard, tous ces gens que je ne reverrais jamais, pensant que même si nous nous revoyions, nous n'en saurions rien.
Doris Lessing. Comment j'ai fini par perdre mon coeur in L'habitude d'aimer.)
, j'aime ça le temps d'une tasse mais c'est l'amer que je préfère : au café, je demandai un thé matcha.
(Ce n'est que lorsqu'elle raccompagna un client jusqu'à la porte que je remarquai les tennis de la serveuse. Levant les yeux, je l'identifiai également à sa marinière : je l'avais croisée sur un passage piéton, une semaine auparavant et, déjà, j'avais regardé ses chaussures blanches que, jeune comme elle, j'aurais pu aussi porter.)

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