La mer était proche lorsque nous les avons croisés. Nous en venions, ils y allaient, couple avec chien dont le chien, pendant que nous parlions, continua.
On pourrait croire que les tout petits endroits, que de vivre au bout d'une partie du monde, nous fait croiser souvent les mêmes gens mais non, même pas.
Ainsi, cette scène de nous et eux, avant le jour dont je parle, ne s'était déroulée qu'une fois et sans chien, en septembre 2013, quand j'étais encore sourde et muette en espagnol.
La vie n'est plus la même qu'en ce temps-là.
La mienne, du moins : je compris tout ce qui se dit, on entendit ma voix.
La leur, davantage : en trois mois tout avait changé, soudainement.
La sienne, surtout : de quotidienne, la mer lui était devenue épisodique, ses jours étaient continentaux et citadins.
Sa nature enthousiaste le fit conclure sur les bienfaits d'une telle expérience mais il avait hâte du déménagement qui le dispenserait du voyage en train, chaque matin, à l'heure où chacun regrette son lit et n'est pas disponible pour autrui et il utilisa les mots avec lesquels, souvent, les provinciaux qualifient l'attitude des heures de pointe des métros.
Parfaitement bilingue, j'aurais compati tout autant : ce n'est pas la grammaire qui m'aurait aidée à faire comprendre que c'est justement cette heure-là qui me manque, quand les villes se réveillent et s'organisent, que chacun rejoint sa place pour le ballet de la journée dans le décor qui vient d'être nettoyé, cette heure urbaine qui fait croire que chaque jour peut être autre alors qu'il commence comme le précédent.
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