L'amitié ne sert pas à clarifier égoïstement ses propres centres d'intérêt, mais surtout à échanger chaleur et affection, d'où le peu d'intérêt que Proust, pour un cérébral, accordait aux relations ouvertement "intellectuelles". Au cours de l'été 1920, il reçut une lettre de Sydney Schiff, l'ami qui devait, deux ans plus tard, organiser sa rencontre désastreuse avec Joyce. Sydney écrivait qu'il passait ses vacances au bord de la mer en Angleterre avec son épouse Violet, que le temps était beau, mais que Violet avait invité un groupe de jeunes gens impétueux à séjourner avec eux, et qu'il se sentait déprimé en voyant combien ces jeunes étaient creux. "C'est très ennuyeux pour moi car je n'aime pas la société constante de la jeunesse. Je suis affligé par leur naïveté que j'ai peur de corrompre, au moins de compromettre. L'être humain m'intéresse parfois mais je ne l'aime pas parce qu'il est trop peu intelligent."
Proust, cloué au lit à Paris, avait du mal à concevoir qu'on pût être mécontent de passer des vacances sur une plage en compagnie de jeunes gens dont le seul défaut était de ne pas avoir lu Descartes :
"Je fais mon travail intellectuel en moi, et une fois avec mes semblables, il m'est à peu près indifférent qu'ils soient intelligents, pourvu que gentils, sincères, etc."
Alain de Botton. Comment Proust peut changer votre vie.
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