samedi 28 mai 2016

Courir des risques

Judith en sait long sur la nature humaine et sait qu'aux règles, des êtres font exception. Aussi ne me dit-elle pas souvent toujours mais -justement- souvent. Aussi me dit-elle que souvent, pas toujours mais souvent, les pères font cela, c'est leur fonction en quelque sorte, les pères rendent possible le danger. Pas toujours de manière responsable mais souvent de façon contrôlée, les pères rendent possible le danger parce qu'ils l'évaluent sans risque. 
Mon père fit cela, qui ne soupçonna jamais les peurs que je dissimulais, qui passa outre celles que je ne parvins à cacher, qui n'eut jamais l'idée de se mettre à ma place. Mais mon père n'était pas un bucheron ayant trop d'enfants à nourrir, mon père n'était pas le méchant d'un conte, quand il m'envoya seule dans la forêt, ce fut avec une boussole, une carte au 1/5000ème et toute sa confiance. J'avais dix ans, je n'avais plus peur de grand-chose. 

Pourquoi je raconte cela, au fait ?
Ah oui, quant aux mères. Ma mère n'est pas du genre à dire Je te l'avais bien dit. Ma mère est une femme de fantaisies, pas de formules toutes faites, pas non plus une donneuse de leçon. Pourtant, elle m'en donna plus d'une, en douce, en me faisant partager ses admirations. De Beckett, Ionesco, de Faulkner, de Kubrick, elle ne m'a jamais dit  Ah, tu vois ? plutôt Je crois que ça te plaira. J'ai fait confiance à beaucoup de ses passions.  
Du livre qu'un de ses petit-fils lui a offert, elle m'a écrit Quelle sauvagerie poétique ! Fureur, férocité... J'ai adoré mais c'est vraiment déstabilisant ! Mon neveu non plus n'est pas du genre à dire Je te l'avais bien dit. Quant à ma mère, elle n'a peur de rien. 

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