samedi 7 mai 2016

Être un cheval, se faire un ciné, avoir un enfant, se taire

J'ai dit à Miriam que je voulais passer un an à Paris. Elle s'est retournée vers moi et m'a dit :
-Ton français est horrible. Allez, dis la vérité : combien de temps as-tu étudié le français ? Deux ans au lycée ?
-Non, ai-je dit. Je l'ai étudié au collège de six à dix-sept ans. Et ensuite, quatre semestres à l'université. -J'ai souri- Mais chaque année, la seule chose que j'apprenais c'était la conjugaison du verbe "être".
Alors j'ai récité "je suis", "tu es", "il/elle est", etc en français. Mais arrivée là je me suis trompée et nous avons ri. Maintenant que j'y pense, ce n'était pas si idiot d'apprendre bien le verbe "être". Le sachant, j'en connaissais le son, les voyelles, les consonnes et la manière dont, dans une autre langue, se formait un verbe significatif. Je pouvais me trouver dans la rue de Rivoli "en étant". Je pouvais répéter plusieurs fois "je suis, je suis". Je connaissais bien deux mots en français : un pronom et un verbe. "Je suis". C'était une bonne base. Ensuite je pouvais former une phrase. Je pouvais l'étirer jusqu'à une pensée entière. "Je suis un cheval". Grâce à une pensée, je pouvais amplifier ma conscience et m'introduire dans celle d'un animal. Je pouvais faire tout ça dans un autre pays, dans une autre langue, avec des pigeons à mes pieds et des toits de pierre grise au-dessus de ma tête. Je pouvais former tout un nouvel orchestre de sons avec une lettre majuscule au début de la phrase pour signaler son attaque : "Je suis un cheval !" 
Natalie Goldberg. Wild mind : Living the writer's life.

Ne comptez pas sur moi pour qu'on se prenne un café, qu'on se fasse un ciné. 
Jamais vous ne m'entendrez dire que je vais me fumer une cigarette et encore moins que je vais me boire un bon whisky. 
Vous me surprendrez peut-être pourtant à le dire en espagnol. 
Ce qu'on déteste dans sa langue, on peut le dire dans une autre parce que, quand on parle une autre langue, on n'est pas exactement soi, on est un parent proche de soi. 
C'est ce qu'on apprend avec les langues étrangères : 
  • à dire les choses autrement (1)
  • à prendre plaisir à les dire quand on sait pourquoi (2)
  •  à se taire (3)



(1)
On ne dit pas hacer un niño (faire un enfant), on dit tener un niño (avoir un enfant), on ne dit pas hacer una experiencia (faire une expérience), on dit tener una experiencia (avoir une expérience), m'a dit Alberto. 

(2)
Emploi particulier de la forme pronominale : renforcement de l'idée exprimée par le verbe et de la participation du sujet

a) Avec des verbes qui indiquent la satisfaction d'un besoin, ou un plaisir déterminés.
Le C.O.D. représente une quantité totalement absorbée.
fumarse un pitillo (se fumer une cigarette)
tomarse una Coca-Cola (se prendre un Coca-Cola)
beberse un coñac (se boire un cognac)
comerse un bocadillo de anchoas (se manger un sandwich aux anchois)

Ex :
Anoche me tomé una pastilla para dormir pues no podía coger el sueño.
(Cette nuit, je me suis pris un somnifère parce que je ne trouvais pas le sommeil.)

L'essentiel de la conjugaison espagnole simple et pratique.

(3)
Et prendre enfin du repos de soi. 

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