Je me suis demandée, en le voyant parler avec les policiers qui étaient allés le chercher et qui avaient en main ses papiers pour une raison que personne parmi tous ceux qui, comme moi, tournèrent la tête vers lui, pour une raison que personne parmi tous ceux qui, comme moi, l'entendirent affirmer : No me gusta así, pour une raison que personne ne parvint à comprendre, je me suis demandée en le voyant se défendre mais calmement et en les voyant également calmes, les deux policiers, comme s'il le connaissaient et n'avaient pas envie de jouer leur rôle avec trop de zèle, je me suis vraiment demandée s'il ne s'agissait pas de T. ???
Pour te le décrire, je dirais… je dirais qu'il est assez gros. Enfin… pas énorme non plus mais bon… costaud en tout cas. Et qu'il a les cheveux rasés à la même longueur que sa barbe. Tu vois le genre ? En fait, je dirais… qu'il a une tête réversible.
Vu mon talent pour la description (1) je fais bien de n'être ni écrivain ni appelée à témoigner, hein ?!
(1)
Le monde n'arrêtait pas de nous raconter des histoires que nous ne nous lassions pas d'écouter.Nous n'avions pas tout à fait la même manière de nous y intéresser. Je me perdais dans mes admirations, mes joies : "Voilà le Castor qui entre en transes !" disait Sartre; lui, il gardait son sang-froid et il essayait de traduire verbalement ce qu'il voyait. Une après-midi, nous regardions des hauteurs de Saint-Cloud un grand paysage d'arbres et d'eau; je m'exaltai et je reprochai à Sartre son indifférence : il parlait du fleuve et des forêts beaucoup mieux que moi, mais il ne ressentait rien. Il se défendit. Qu'est-ce au juste que sentir ? Il n'était pas enclin aux battements de coeur, aux frissons, aux vertiges, à tous ces mouvements désordonnés du corps qui paralysent le langage : ils s'éteignent, et rien ne demeure; il accordait plus de prix à ce qu'il appelait "les abstraits émotionnels" : la signification d'un visage, d'un spectacle l'atteignait, sous une forme désincarnée, et il en restait assez détaché pour tenter de la fixer dans des phrases. Plusieurs fois, il m'expliqua qu'un écrivain ne pouvait pas avoir d'autre attitude; quiconque n'éprouve rien est incapable d'écrire; mais si la joie, l'horreur nous suffoquent sans que nous les dominions, nous ne saurons pas non plus les exprimer.Simone de Beauvoir. La force de l'âge. (2)
(2)
Ils ne nous quittent plus, ces deux-là ! m'as-tu dit en me voyant sortir mon livre pour t'en lire des passages pendant que tu conduisais (3) et il est vrai que, toi aussi, cela fait quelques semaines que tu les fréquentes ! Ainsi, Simone et Sartre nous sont devenus si familiers que nous commentons leur vie comme eux celle des autres : "A Paris, au Havre, à Rouen, (4) le principal sujet de nos conversations, c'était les gens que nous connaissions."
(3)
(4)
Ah et puis ! :
"Mme Lemaire et Pagniez nous avaient proposé de visiter avec eux en auto le sud de l'Espagne. En attendant, nous fîmes un tour dans les Baléares, puis dans le Maroc espagnol."
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