mardi 2 février 2016

Tuesday self portrait


La seule chose qui lui paraisse discutable, soit dit pour mieux poser ce genre de problème, c'est le choix du cheval comme objet d'analyse. A son modeste avis, le cheval, on devrait l'écarter sans regret pour plusieurs raisons. En premier lieu, le cheval est trop proche de l'homme, ce qui contamine le raisonnement de retombées anthropocentriques, sans compter que cette proximité du cheval et de l'homme a fait du pauvre animal le dépositaire de toutes sortes de projections symboliques à tel point qu'il est difficile de savoir, sous tant de couches de symboles, où se trouve le cheval véritable. Nous croyons, par ailleurs, connaître trop de choses sur le cheval - nous croyons qu'il est fort, qu'il est fidèle, qu'il est noble, qu'il est endurant, qu'il aime la pampa et que sa plus grande ambition est de gagner le prix du Jockey-club. Nous sommes convaincus que s'il militait en politique, il serait nationaliste et que s'il parlait, il le ferait comme les vieux gauchos pleins de sagesse. Pour finir -dit le Mathématicien qu'avait dit Bouton que disait Washington-, le cheval, de par sa position prééminente dans l'échelle zoologique, possède une densité biologique et ontologique excessive : il a trop de chair, trop de sang, trop d'os, trop de nerfs et malgré son regard fuyant, moins indiscret que celui de la vache, nous pouvons concevoir sa présence au monde comme non point exempte de nécessités, de telle sorte qu'on pourrait même admettre, peut-être par négligence métaphysique à laquelle bon nombre de penseurs ont déjà succombé, une catégorie existentielle qui englobât à la fois l'homme et le cheval -en un mot, et s'il a toujours bien compris, il faudrait appliquer ce qu'on voudrait dire à propos du cheval de Noca, qui n'est en définitive qu'un prétexte à discussion, à un autre être, mieux différencié de l'homme que le cheval, membre lui aussi d'une espèce vivante, évidemment, mais dont l'être, exigu bien qu'irréfutable, ne prêterait point tant à contestation. Par exemple, le moustique. 
Juan José Saer. Glose

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