lundi 28 juillet 2014

Voyage autour de ma chambre
chapitre 4 : à Paris

C'est sans doute la faute à Baudelaire, à lui et sa détestation de la Belgique, mais toujours on me mit en garde, quand je quittai le bleu de Tokyo, contre le gris et ses conséquences. Pourtant, Bruxelles n'est pas exempte de nuages, de ceux qui rendent les avenues larges et l'imagination féconde.
C'est à Paris et nulle part ailleurs dans le monde -au moment, pourtant, où Paris me sauvait de ma vie de province au bûcher-  c'est à Paris que le ciel sans nuance, bas et lourd et couvercle me mit à terre plusieurs fois, à Paris qu'il m'arriva d'être touchée par un spleen sans fond que je sentais monter des profondeurs et m'étreindre le coeur sans que je puisse lutter davantage qu'une poupée molle emplie de son. 
L'unique remède à cette nausée de moi-même et de la vie, a toujours été d'entrer dans une librairie. 

Depuis que je vis à l'étranger, "Vous êtes de Paris ?" me demandent ceux qui, de la France, ne connaissent que sa capitale. 
Mais, nul besoin d'être parisienne : ma nationalité me dispense presque de maquillage

"En avril 1999, j'ai passé quelques jours à Paris à explorer une promenade pour le Guide Time Out des promenades de Paris. Ma promenade passait par le 11ème arrondissement, où j'avais vécu de manière intermittente une grande partie des premières années 90 mais, en réalité, j'étais logé dans le 8ème chez mes amis Hervé et Mimi, rue de l'Elysée, en face du palais présidentiel. Le soir de mon arrivée, Hervé avait invité à dîner une belle jeune femme nommée Marie Roget.
Quand elle arriva, Marie s'avéra être moins belle que ne l'était Mimi mais extrêmement attractive. Elle était grande (1,80m), avait des yeux verts et sereins, des cheveux noirs et une coupe qui me paraissait -depuis mon point de vue habitué aux coiffeurs bon marché (50 roupies à Goa)- avoir coûté cher. Bien qu'elle soit habillée comme une pompiste de station spatiale -ses pantalons, fabriqués dans un tissu ultrasynthétique résistant au froid et à la chaleur consistaient en une simple succession de poches- elle avait une passion parisienne pour le débat et la conversation animée.
Quand, pendant le dîner, je me suis déclaré "totalement en faveur de l'OTAN, cent pour cent en faveur du bombardement de la Serbie", il lui a paru incroyable que "quelqu'un qui se prenait pour un intellectuel puisse dire, ou même penser, une semblable stupidité".
-Qui a dit que j'étais un intellectuel ?
-Hervé.
-Ce serait donc une plaisanterie.
Marie me plaisait même si elle fumait beaucoup, plus que Hervé et Mimi qui sont de grands fumeurs. Après le dîner, déjà ivre, j'ai renversé un verre de vin. Pendant qu'elle ramassait les miettes et les éclats de verre, Marie s'est coupé le doigt et quelques gouttes de sang ont atterri sur mes chaussures usées. Elle se lava les mains au robinet d'eau froide du lavabo et s'enveloppa le doigt d'un pansement (un geste médical mais qui faisait allusion à un possible mariage). L'atmosphère entre nous avait changé, était plus douce et nous avons décidé de nous voir le jour suivant et d'explorer les environs de ma promenade. Elle nota son numéro de téléphone sur la dernière page de mon carnet et y laissa une petite goutte de sang. Son écriture était audacieuse, sans équivoque."

Le livre de Geoff DyerYoga for People Who Can't Be Bothered to Do It, est traduit en espagnol par Cruz Rodriguez Juiz et intitulé : Yoga para los que pasan del yoga.
Tellement adepte de Paris, Geoff Dyer y a situé une romance.

Vocabulaire noté :
-pensé que eras enrollada : j'ai pensé que tu étais cool
-echo un vistazo : je jette un coup d'oeil
-en un abrir y cerrar de ojos : en un clin d'oeil
-ver por el rabillo del ojo : voir du coin de l'oeil
-se moría de ganas de acostarse conmigo : elle mourait d'envie de coucher avec moi

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