mardi 9 février 2016

Tuesday self portrait


Ceux qui accusent les hommes d'aller toujours béant (a) après les choses futures, Et nous apprennent à nous saisir des biens présents, et nous rasseoir (b) en ceux-là, comme n'ayant aucune prise sur ce qui est à venir, voire assez moins que nous n'avons sur ce qui est passé, touchent la plus commune des humaines erreurs : S'ils osent appeler erreur, chose à quoi nature même nous achemine, pour le service de la continuation de son ouvrage : nous imprimant comme assez d'autres cette imagination fausse : plus jalouse de notre action que de notre science. Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà. La crainte, le désir, l'espérance nous élancent vers l'avenir : et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour nous amuser (c) à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus. Calamitosus est animus futuri anxius (d). Ce grand précepte est souvent allégué en Platon : Fais ton fait et te connais. Chacun de ses deux membres enveloppe généralement tout notre devoir : et semblablement enveloppe son compagnon. Qui aurait à faire son fait verrait que sa première leçon c'est connaître ce qu'il est et ce qui lui est propre. Et qui se connaît, ne prend plus l'étranger fait (e) pour le sien : s'aime et se cultive avant toute autre chose : refuse les occupations superflues et les pensées et propositions inutiles. Ut stultitia etsi adepta est quod concupivit nunquam se tamen satis consecutam putat : sic sapientia semper eo contenta est quod adent, neque eau unquam sui poenitet (f).

a. de désirer toujours avidement
b. nous fixer
c. occuper à 
d. "Malheureux est l'esprit obsédé par l'avenir"
e. le fait d'un autre
f. "Comme la folie quand on lui octroiera ce qu'elle désire, ne sera pas contente : aussi est la sagesse contente de ce qui est présent, ne se déplaît jamais de soi."(traduction donnée par Montaigne dans l'édition de 1595) 

Essais de Michel de Montaigne. Livre I, chapitre III Nos affections s'emportent au-delà de nous. 

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