Et toi -j'ai dit- tu parlerais de quoi si tu avais à l'écrire, ce billet ? Du jour -tu as dit- du jour où, tu sais, il me restait le temps d'un aller-retour à la mer pour y piquer une tête ou de rester dans la chambre où j'étais avec toi et… , tu sais ? Oui -j'ai dit- j'avais pensé à parler de ce jour-là, où, à la mer, tu as préféré la chambre.
Mais, finalement, c'est d'un autre jour que je vais parler. Un jour où tu as mis tes lunettes pendant que j'enlevais les miennes car nous avions chacun un livre. Toi : "Quand je vous ai connu, vous m'avez dit que vous vouliez à la fois être Spinoza et Stendhal. C'était un assez joli programme. Commençons par les choses que vous écriviez quand je vous ai connu. Pourquoi était-ce ça que vous écriviez, comment est-ce venu ?" (1) Moi : "Elle ne lisait pas vraiment. Elle feuilletait nerveusement, rageusement, distraitement, les pages d'un petit volume elle qui d'ordinaire, chaque fois qu'elle ouvrait le premier livre rencontré, s'y plongeait aussitôt tout entière avec le mouvement instinctif d'une créature aquatique rentrant en contact avec son élément naturel."(2) Lire en ta compagnie me fait, je crois, le même effet qu'à toi plonger dans la mer. Mais, si j'avais eu à choisir, moi aussi j'aurais préféré la chambre.
(1) Simone de Beauvoir. Entretiens avec Jean-Paul Sartre.
(2) Vladimir Nabokov. Ada ou l'ardeur.
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