Comme tous les enfants, j'adorais les sables mouvants. Dans les films qui se passaient dans le désert, et spécialement dans le désert nord-africain durant la seconde guerre mondiale, la seule chose que j'aimais voir, c'était les tout-terrains et les hommes aspirés par le sable. Non parce que j'aimais voir les gens mourir mais parce que je ne concevais pas que quelque chose de semblable existe vraiment (évidemment, dans le Gloucestershire, où j'ai grandi, il n'y avait pas de sables mouvants et, pour ce que j'en savais, nulle part ailleurs en Angleterre), parce que ça n'avait pas de sens. En d'autres mots, je les adorais parce qu'ils étaient un phénomène exclusif du cinéma et de la télévision. Les sables mouvants étaient le cinéma.*
*Le livre de Geoff Dyer, Zona : a book about a film about a journey to a room, un livre à propos du film Stalker de Tarkovski, est traduit en espagnol par Cruz Rodriguez Juiz et intitulé : Zona. Un libro sobre una película sobre un viaje a una habitación. C'est de l'espagnol que je fais une traduction libre.
Plus tard, quand les gens de mon âge furent parents non, je ne les comprenais pas, ceux qui me disaient de comprendre. Les Pokémons, évidemment, c'est nul !, les programmes télé destinés à la jeunesse trop violents ! mais il fallait que je comprenne, c'est de ça qu'ils parlaient tous dans la cour de récréation et si, dès maintenant leur enfant se sentait exclu, il n'avait pas fini, hein ?!
Non, je ne comprenais pas.
Le lapidaire Les autres font ce qu'ils veulent ! de mes parents fut définitif. A neuf ans, je ne savais pas ce qu'était un camp de concentration et ils estimaient que j'aurais d'autres occasions d'être renseignée, plus tard et autrement qu'en regardant une série américaine douteuse. D'ailleurs, après le premier épisode, il ne fut plus question d'Holocauste à l'école.
Si je me lassai rapidement du coup des sables mouvants, du cri de Tarzan, de la démarche de John Wayne, je me forgeai une solide culture concernant Gregory Peck, Robert Redford, Steve Mc Queen, Elizabeth Taylor et, des douze salopards, c'était John Cassavetes que je préférais. Mais, ni d'eux ni d'Arletty ou d'Alain Cuny je n'eus l'occasion de parler dans un couloir du collège.
En revanche, pour les avoir entendues en boucle dans la cour et les cours les lendemains de leurs multiples diffusions, je connais des répliques de La soupe aux choux, de toute la série des Gendarmes, de celle des Bronzés… autant de films que je n'ai jamais vus.
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