jeudi 24 septembre 2015




Comme les hommes, les pays ont une noblesse qu'on ne peut connaître que par l'approche et la fréquentation amicale. Et il n'y a pas de plus puissant outil d'approche et de fréquentation que la marche à pied. 
(…) Le plus magique instrument de connaissance, c'est moi-même. Quand je veux connaître, c'est de moi-même que je me sers. C'est moi-même que j'applique, mètre par mètre, sur un pays, sur un morceau de monde, comme une grosse loupe. Je ne regarde pas le reflet de l'image; l'image est en moi. Le grossissement, c'est au milieu de mes nerfs, de mes muscles, de mes artères et de mes veines qu'il s'écarte. Il n'est pas question de théâtre antique, d'arc de triomphe, d'alignement de pierres tombales : la connaissance que j'ai des choses est aussi entièrement moderne que le battement de mon coeur, et les jouissances de ma curiosité successivement satisfaite me font vivre en leur succession comme les battements de mon coeur. A ce moment-là, le monde extérieur est dans un mélange si intime avec mon corps qu'il m'est impossible de faire le départ entre ce qui m'appartient et ce qui lui appartient. L'instinct supérieur qui accorde le sens de ma vie au flux de mon sang, l'accorde avec la même exquise intelligence à l'architectonie des volumes et des couleurs de la matière dans laquelle je vis et je marche. 
Jean Giono. Rondeur des jours
Et puis, parfois, je ne marche pas.

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