Studio 54
A tous les coups : et c'est quand même d'une période de quelques sept ans que je parle. Et donc ce certain ami j'appelle au téléphone, et lui, toujours il est là. Ça fait peut-être soixante ou soixante-dix fois que je l'appelle -en sept ans… n'importe : il est toujours là pour répondre.
Ce n'est pas qu'il y aurait une intention cachée dans la fréquence de mes appels. Non, tout ça, c'est de l'appel téléphonique de pur hasard. J'ai envie de lui téléphoner ? J'appelle. Du doigt je presse sept boutons sur le cadran et automatiquement sa voix me répond :
-Allô ?
La plupart du temps nos conversations sont sans importance. Ce qu'il y a d'important, c'est que lui, il est toujours là. Il y a des fois où ça se passe le matin et il y en a d'autres où c'est le soir.
Il me dit qu'il a un boulot mais qu'est-ce qui me le prouve ? Il me dit encore qu'il s'est marié il y a quelques années de cela mais jamais encore je n'ai rencontré sa femme, jamais encore je ne l'ai eue au bout du fil.
Aujourd'hui je l'ai appelé à une heure et quinze minutes de l'après-midi et bien sûr, il était là. Son téléphone n'a sonné qu'une fois. Il m'est récemment arrivé de penser que depuis l'an 1972 il ne fait plus qu'une seule chose de sa vie : rester là, assis, à attendre que je l'appelle.
Richard Brautigan. Tokyo-Montana Express.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire