vendredi 12 septembre 2014

Le cabinet des rêves 192

Une tradition populaire voit d'un mauvais oeil le fait de raconter ses rêves le matin, à jeun. Effectivement, l'homme réveillé reste encore, dans cet état, sous l'emprise du rêve. La toilette, en effet, amène seulement à la lumière la surface du corps, et ses fonctions motrices visibles, alors que dans les couches les plus profondes, pendant l'ablution matinale, le gris crépuscule du rêve persiste, et s'immisce même dans la solitude de la première heure de veille. Qui rechigne à l'effleurement du jour, soit par peur des hommes, soit par désir de méditation intime, ne souhaite pas manger et dédaigne le petit-déjeuner. De cette façon, il évite la rupture entre le monde de la nuit et le monde du jour. Une précaution qui se justifie seulement par la consommation du rêve dans un intense travail matutinal, sinon en prière, mais qui conduit autrement à un désordre des rythmes de la vie. Dans cet état, le compte-rendu du rêve est fatal, car l'homme, encore à moitié impliqué dans l'univers onirique, le trahit par ses mots et doit s'attendre à sa vengeance. Pour le dire en langage moderne : il se trahit lui-même. Il se défait de la protection de la naïveté onirique, et il se livre en évoquant les histoires dont il a rêvé, sans supériorité aucune. Car ce n'est que de l'autre rive, dans la luminosité du jour, que l'on appelle le rêve, grâce à un souvenir supérieur. Cet au-delà du rêve n'est atteignable que par une purification, analogue à l'ablution, et qui lui est portant entièrement différente. Elle passe par l'estomac. L'homme à jeun parle du rêve comme s'il parlait pour s'extirper de son sommeil. 
Walter Benjamin. Sens unique.

E. m'annonce qu'il a obtenu son permis de conduire.
Il me raconte que l'employé était tellement content pour lui qu'il lui a demandé de leur laisser une photo. Alors, il lui a donné un cliché sur lequel il est en train de conduire.
Tu sais : la photo où on te voit un peu dans le rétroviseur central. Je voulais te le dire : que tu es toi aussi en photo là-bas.

Rêve du 15 août 2014

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