Un homme et une femme parlaient anglais, très lentement, de sujets peu importants. Julio pouvait traduire sans difficulté chacune de leurs phrases.
-Où sont mes cigarettes ? demandait l'homme.
-Tes cigarettes sont au-dessus de la table, disait la femme.
Il ne paraissait pas possible qu'il ne les ai pas localisées lui-même tellement elles étaient visibles et Julio pensa que l'homme était aveugle bien que, assurément non puisqu'il chercha ensuite son journal :
-Et mon journal ? Où est mon journal ?
-Ton journal est sur la chaise.
-Ah, merci, tu es très aimable avec moi.
(…) L'atmosphère était cordiale et les personnages bien élevés. Le dialogue se passait de jour, il y avait du soleil et les choses arrivaient éternellement dans ce climat de bien-être de la première leçon ou first lesson. De fait, quand commença la seconde ou second, l'homme dit à la femme qu'elle portait une très jolie jupe :
-Ta jupe est très jolie.
-Merci, tu es très aimable, répondit-elle en vocalisant avec une certaine exagération. -Moi, c'est ta veste qui me plait beaucoup.
Aussitôt, il commencèrent à passer en revue les habits qu'ils portaient chacun, avec une immense courtoisie. Seule, sa cravate à lui mérita une petite critique de sa part à elle :
-Ta cravate est bien mais peut-être que ses couleurs sont un peu vives.
Il lui plaisait de se trouver dans une ambiance si chaleureuse, où le temps paraissait ne pas s'écouler et où les préoccupations des gens se réduisaient à ne pas savoir où ils avaient laissé leur briquet qui, aussitôt, était toujours sur ou sous la table. A la troisième leçon, l'homme alluma une cigarette sans que la femme ou lui-même ne fassent allusion aux effets nocifs du tabac peut-être parce que, dans l'univers de la bande magnétique, le cancer n'existait pas.
Quand elle fit allusion aux chaussettes et aux pantalons de l'homme, Julio pensa qu'une approche sexuelle allait se produire entre les interlocuteurs mais cela n'arriva cependant pas, puisqu'ils ne manifestaient pas non plus ce genre de nécessités. Quand, dans les films que Julio avait l'habitude de regarder, l'action se déroulait sur un ton aussi cordial, quelque chose de terrible se passait dans l'arrière-boutique mais ici non, ici la vie était aimable pour de vrai. Tous ces gens qui, au lieu d'accomplir les années, accomplissaient des leçons, vivaient dans une espèce de paradis où il n'était pas nécessaire, par exemple, de gagner sa vie : personne n'allait ou revenait du travail, ni même y faisait allusion.
Traduction libre d'un extrait* du roman de Juan José Millás : El orden alfabético.
Un hombre y una mujer hablaban en inglés, muy despacio, de asuntos intrascendentes. Julio podía traducir sin dificultad cada una de sus frases.
-¿ Dónde están mis cigarrillos ? preguntaba el hombre.
-Tus cigarrillos están encima de la mesa -decía la mujer.
Parecía mentira que no los hubiera localizado por sí mismo encontrándose tan a la vista, por lo que Julio pensó que el hombre era ciego, aunque seguramente no, porque a continuación preguntó por su periódico :
-¿ Y mi periódico ? -¿ Dónde está mi periódico ?
-Tu periódico está sobre la silla.
-Ah, gracias, eres muy cortés conmigo.
(…) La atmósfera era cordial y los personajes educados. La cinta era de día, hacía sol, y las cosas acontecían eternamente en este clima de bienestar de la lección primera o first lesson. De hecho, cuando comenzó la segunda o second, el hombre dijo a la mujer que llevaba una falda muy bonita :
-Tu falda es muy bonita.
-Gracias, eres muy amable -respondió ella vocalizando con cierta exageración. -A mí me gusta mucho tu chaqueta.
De súbito, comenzaron a repasar las prendas que llevaba cada uno con enorme cortesía. Sólo la corbata de él mereció una pequeña crítica por parte de ella :
-Tu corbata está bien, pero quizá tiene unos colores algo fuertes.
Daba gusto encontrarse en un ambiante tan cálido, donde el tiempo parecía no transcurrir y las preocupaciones de la gente se reducían a no saber dónde había dejado el mechero, que luego siempre estaba encima o debajo de la mesa. En la tercera lección el hombre encendió un cigarrillo sin que la mujer ni él mismo hicieran alusión a los efectos nocivos del tabaco por lo que quizá en el universo de la cinta magnetofónica el cáncer no existía.
Entonces, ella se refirió a las calcetines y a los pantalones del hombre, y Julio pensó que iba a producirse entre los interlocutores una aproximación sexual que sin embargo no llegó a darse, pues tampoco manifestaban necesidades de ese tipo. Cuando en las películas que Julio tenia el habito de consumir la acción discurría en un tono tan cordial, algo terrible estaba sucediendo en la trastienda, pero aquí no, aquí la vida era amable de verdad. Toda aquella gente que en lugar de cumpli años cumplía lecciones vivía en una especie de paraíso donde no era necesario, por ejemplo, ganarse el sueldo : nadie iba o venía del trabajo, ni siquiera se referían a él.