A entreprendre à nouveau la recherche, je me suis petit à petit rendu compte que je ne me souvenais pas de la façade de l'hôtel sans nom, j'aurais pu être passé devant de nombreuses fois. Je n'avais pas le numéro de téléphone de Teresa. Je calculais qu'il avait dû s'écouler une heure et demi depuis que j'étais sorti. Affamé, je suis entré dans une autre cafétéria et j'ai demandé un autre café et aussi un morceau de tortilla qui m'a écoeuré avant d'arriver. J'ai expliqué au serveur que j'étais en train de chercher un hôtel dont je ne me souvenais pas le nom dans une rue dont je ne me souvenais pas et je lui ai demandé de l'aide; nous avons ri tous les deux et il m'a dit : Comme tout le monde. Quand j'ai terminé de manger, j'ai essayé à nouveau, en me sentant comme un acteur dont les vagabondages servaient de prétexte pour montrer le paysage. Après je ne sais combien de temps, sûrement plus d'une heure, j'ai fini sur une petite place et je me suis assis, défait. Mon irritation s'est changée en préoccupation; moi, je ne croirais simplement pas Teresa si c'était elle qui était sortie de l'hôtel pour un café et s'était perdue durant les heures qui pouvaient s'écouler jusqu'à ce qu'on se trouve. Et bien qu'elle puisse sembler crédible, il ne me plaisait pas qu'une telle histoire s'interpose dans l'image qu'elle avait de moi, une image qui me préoccupait de plus en plus. A ses yeux, ce serait mieux, ai-je pensé, de disparaître mystérieusement plusieurs jours plutôt que de ressembler à un enfant perdu, sale et épuisé à la tombée de la nuit.
*Saliendo de la estación de Atocha est un roman américain de Ben Lerner que je lis dans sa version espagnole grâce à la traduction de Cruz Rodríguez Juiz. Il existe en français, traduit cette fois par Jakuta Alikavazovic et publié aux éditions de l'olivier.
Puis, soudain, j'ai réalisé que Cruz Rodríguez Juiz n'avait pas seulement traduit le roman de Ben Lerner mais aussi le recueil de nouvelles de Geoff Dyer que j'avais lu un an auparavant et que, alors, elle avait dû avoir, en traduisant les deux textes, l'impression de déjà vu que j'éprouvais en les lisant, à un an d'intervalle.
-Ce que nous devons faire -a dit Ámsterdam Dave- c'est de nous concentrer pour trouver l'hôtel.-Evidemment. Bien sûr. Mais il me vient à l'esprit "c'est plus facile à dire qu'à faire".-Il y a un canal ici -a dit Dazed, comme si tout était réglé, comme si nous n'avions pas vu des centaines de canaux (ou le même canal des centaines de fois) tout au long de ce qui commençait à ressembler à une excursion interminable et peu recommandable.Cependant, nous avons regardé le canal avec perplexité et, un instant, il nous a paru que tous nos problèmes s'étaient évanouis. Mais ensuite, nous avons vu que, effectivement, il s'agissait du même canal (froid et couvert de feuilles tombées mais, malgré tout, éblouissant) près de celui devant lequel nous étions passés dix minutes ou plusieurs vies auparavant. Nous a démoralisés encore plus le fait que, s'il s'était agi d'un autre canal, notre situation ne se serait pas améliorée pour autant.-Le même canal, un autre canal -j'ai dit avec tristesse. La même différence.
Le livre de Geoff Dyer, Yoga for People Who Can't Be Bothered to Do It, est traduit en espagnol par Cruz Rodriguez Juiz et intitulé : Yoga para los que pasan del yoga.
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