mercredi 22 octobre 2014

La vie des pages (2)

Confucius fut très étonné, dit-on, de découvrir à quoi ressemblait l'Enfer.
Pas les flammes attendues, si ce n'étaient celles qui rôtissaient à point les brochettes et les gigots.
Ni : coups de fouet, cruels sévices.
Mais : d'immenses tables, couvertes de mets rares et délicieux.
Pots de crème fraîche et fouettée et de gelée de fruits de saison, oeufs coq du matin pondus, fines tranches de charcuterie fine, escargots et grenouilles au beurre aillé, venaisons de tout poil, légumes croquants de saison, fricassées de champignons, assortiment de cerises, myrtilles, framboises, quartiers d'oranges juteuses, parts de tartes au riz, de tartes aux fruits, de forêts noires, montagnes de macarons, pyramides de petits choux, oeufs de caille en gelée, plateaux de fromages à pâte dure, pâte molle, pâte bleue, figues séchées, couronnes de brioche, chapons au champagne, lapins au caramel, entremets à la poire, biscuits à la cannelle, pommes de terre en chemise, clafoutis de mirabelles, d'abricots, de brocolis, poulardes farcies, pains d'épices, chocolats moelleux, compotes de rhubarbe, de poire, d'oignon, guimauves, pastels de nata, crêpes flambées. J'en oublie. 
Il ne comprit pourquoi les invités de ce merveilleux banquet étaient faméliques, exsangues, moribonds à perpétuité que lorsqu'il vit que les seuls ustensiles autorisés pour manger étaient des baguettes longues d'un mètre cinquante. 
Depuis que je la fréquente, aucun employé de cette bibliothèque
n'a jamais semblé entendre mes bonjour, au revoir, 
n'a jamais répondu à mes questions que par monosyllabes, 
à mes merci que par des regards de méfiance, 
ne m'a jamais souri.

Avant que j'atteigne la quatrième marche de l'escalier en colimaçon qui mène aux galeries dont les étagères sont couvertes de livres d'art (












) la bibliothécaire, tout en se dirigeant vers moi, me fit signe de descendre. 
Elle m'expliqua que, pour des raisons de sécurité, l'accès que je venais d'emprunter était absolument interdit aux usagers qui, s'ils voulaient consulter un livre, devaient lui demander à elle ou à l'un de ses collègues. 

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