samedi 10 octobre 2015

Erasedhead

Evidemment, comme Guevara lit, il écrit aussi. Ou, mieux : parce qu'il lit, il écrit. Ses premiers écrits sont des notes de lecture de 1945. Cette année-là, il commence un carnet manuscrit de 165 feuilles où il ordonne ses lectures par ordre alphabétique. On trouve sept carnets écrits au long de dix ans. Il y a une autre longue série, alors, qui accompagne toute la vie de Guevara et c'est l'écriture. Il écrit sur lui-même et sur ce qu'il lit, c'est à dire qu'il écrit un journal. Un type d'écriture très définie, l'écriture privée, le registre personnel de l'expérience. Il commence avec un journal de lectures et continue avec le journal qui fixe l'expérience même, qui permet de lire ensuite sa propre vie comme celle d'un autre et de la réécrire. S'il s'arrête pour lire, il s'arrête aussi pour écrire, à la fin de la journée, la nuit, fatigué.
Entre 1945 et 1967, il écrit un journal : le journal des voyages qu'il fait, jeune, quand il parcourt l'Amérique, le journal de la campagne de Sierra Maestra, le journal de la campagne du Congo et, bien sûr, le journal en Bolivie. Depuis son jeune âge, il trouve un système d'écriture qui consiste à prendre des notes pour fixer l'expérience immédiate et, ensuite, écrire un récit à partir de ces notes. L'immédiateté de l'expérience et le moment de l'élaboration. Pour Guevara, la différence est claire : "Le personnage qui a écrit ces notes est mort en foulant de nouveau la terre argentine, celui qui les ordonne et les polit (moi), ce n'est pas moi", écrit-il au début de Mi primer gran viaje.
Ricardo Piglia. Traduction libre d'un extrait de El último lector
Voilà, ce serait ça. 
Ça s'appellerait "faire comme Che Guevara". 
Attendre la nuit, fermer la porte, tirer un trait sur la journée.   
Et la réécrire, autrement. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire