mercredi 28 octobre 2015

L'identification (8 : les poètes)

-Ainsi tu es poète, Adán.
J'ai souri. Il répétait mon nom comme s'il s'agissait d'une blague d'un seul mot à mon sujet.
-Il vient de donner un récital dans une galerie de Salamanca -a ajouté Isabel pour me gêner.
-Salamanca ! Quelle classe ! -Il était clair que Rufina allait me demander quel genre de poésie j'écrivais.- Quel genre de poésie tu écris ?
-Quels genres de poésie existent ?
Ma réponse m'a plu et je l'ai notée mentalement pour m'en resservir dorénavant.
-Mauvaise et très mauvaise -a répondu Rufina avec un faux mépris.
-I, too, dislike it -j'ai dit en anglais.
-Tu dois être d'une famille fortunée -a dit Rufina, ignorant mon commentaire. Elle a ajouté ensuite une expression idiomatique à propos des mains et des nuages, dont j'ai supposé qu'elle disait la même chose de manière plus pittoresque. -Tu n'as pas besoin de travailler ?
Je n'étais pas sûr de savoir comment répondre. En Espagne, je m'étais déjà heurté à cette association entre poésie et argent, aggravée, dans mon cas, par la croyance que tous les américains, du moins ceux qui étaient à l'étranger, étaient riches.*

*Saliendo de la estación de Atocha est un roman américain de Ben Lerner que je lis dans sa version espagnole grâce à la traduction de Cruz Rodríguez Juiz. Il existe en français, traduit cette fois par Jakuta Alikavazovic et publié aux éditions de l'olivier.

A table ce soir-là, les hommes (1) étaient poètes et l'atmosphère
doucement familière. 
Dans la rue, embrassés
on s'est quittés. 
Je suis rentrée, 
sur les draps
brodées
les initiales n'étaient pas à moi.
La compagnie des poètes est portative
et ils voyagent avec moi.
Eux (1) mais d'autres aussi (2): Tous les poètes ont un toit, se sont dit Román Piña et Antonio Manilla, ils ont appelé leur anthologie La casa del poeta et je m'y sens mieux que chez moi.



(1) Javier Cánavas, Joan Payeras, David Pérez Vega, Román Piña.

(2) Juan Bonilla, par exemple :

ISLA DESIERTA

Alguien al ver los libros preguntó
cuál de entre todos llevarías
a una isla desierta. 
Entonces no supiste responder. 
Pero ahora que estás solo y en silencio 
contemplas las paredes atestadas
de libros, das por fin con la respuesta : 
hace tiempo que vives 
en una isla desierta. (3)

(3) dont je fais une modeste traduction :

ÎLE DéSERTE

Quelqu'un, voyant les livres demanda
lequel d'entre eux tu emporterais
sur une île déserte.
Alors, tu ne sus pas répondre.
Mais maintenant que tu es seul dans le silence
tu contemples les murs couverts
de livres, tu donnes enfin la réponse :
il y a longtemps que tu vis
sur une île déserte.

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