Des scientifiques de l'Université de Southern California, Los Angeles, ont implanté une caméra dans les yeux abîmés de quelques aveugles qui se sont prêtés à l'expérience et ils leur ont rendu la vue. La résolution de leur nouveau regard est de 16 pixels, suffisante pour distinguer une voiture, un réverbère ou une poubelle. Au début, ils ont pensé qu'il aurait fallu 1000 pixels. Aussi, quand les aveugles ont dit qu'ils voyaient relativement bien avec seulement 16, leur surprise a été très grande. Les scientifiques n'avaient pas pris en compte une donnée : nous avons tous dans l'oeil un point nommé "point aveugle", un point à travers lequel nous ne voyons pas et que le cerveau remplit inconsciemment avec ce qu'on suppose qu'il devrait y avoir là. Nous inventons et avons l'habitude de deviner juste. C'est ce qui nous permet de voir la totalité d'une maison bien que les branches des arbres nous la cachent partiellement ou de voir la silhouette entière d'une personne au milieu de la foule bien que cette foule nous l'occulte par moment. C'est pour cela que 16 pixels suffisent aux aveugles : pour le reste, ils utilisent leur imagination. Dans nos yeux, il y a un point qui invente tout, un point qui démontre que la métaphore est constitutive du cerveau lui-même, le point qui génère les choses poétiques. Ce "point aveugle" devrait s'appeler "point poétique". De la même manière, dans ce grand oeil que seraient toutes et chacune de nos vies, il y a des points obscurs, des points que nous ne voyons pas et que nous reconstruisons imaginairement avec une machine que nous avons l'habitude d'appeler "mémoire".
Traduction libre d'un extrait* de Nocilla Experience de Agustín Fernández Mallo.
*Científicos de la Universidad de Southern California, Los Ángeles, han implantado una cámara de vídeo en los ojos dañados de varios ciegos que se prestaron al experimento, les han devuelto la vista. La resolución de su nueva mirada es de 16 píxeles, suficiente para distinguir un coche, una farola o una papelera. En un principio pensaron que harían falta 1.000 píxeles, así que cuando los ciegos dijeron que veían relativamente bien con sólo 16 la sorpresa fue mayúscula. Los científicos no habían tenido en cuenta un dato : todos tenemos un punto en el ojo denominado "punto ciego", un punto a través del cual no vemos y que el cerebro inconscientemente rellena con lo que se supondría que debería haber ahí; lo inventamos, y solemos acertar. Es lo que nos permite ver la totalidad de una casa aunque nos la tapen parcialmente las ramas de unos árboles, o ver la carrera completa de una persona entre una muchedumbre aunque esa misma muchedumbre nos la oculte por momentos. Por eso a los ciegos les bastó con 16 píxeles : el resto de píxeles los pone la imaginación. En nuestros ojos hay un punto que lo inventa todo, un punto que demuestra que la metáfora es constitutiva al proprio cerebro, el punto donde se generan las cosas de orden poético. A ese "punto ciego" debería llamársele "punto poético". De igual manera, en ese gran ojo que vendrían a ser todas y cada una de nuestras vidas hay puntos oscuros, puntos que no vemos, y que reconstruimos imaginariamente con un artefacto que damos en llamar "memoria".
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