Il y a beaucoup d'individus qui sentent leur vie comme la matière d'un récit minutieux, ils s'y sont installés, suspendus à son hypothétique ou future relation. Ils n'y réfléchissent pas beaucoup, ce n'est qu'une façon de vivre les choses, une façon accompagnée, disons, comme s'il y avait en permanence des spectateurs ou des témoins fixes de leurs activités et de leurs passivités, y compris de leurs démarches les plus futiles et de leurs moments creux. Cette rêverie narcissique de tant de nos contemporains, parfois appelée "conscience" est peut-être un succédané de la vieille idée ou de la vague connaissance de l'omni présence de Dieu, qui avec son oeil était attentif à la vie de chacun, c'était très flatteur au fond, très réconfortant en dépit des contreparties, c'est à dire de l'élément de menace et de châtiment implicite et de la terrifiante croyance que rien ne pouvait être caché tout à fait et à tout jamais; quoi qu'il en soit, trois ou quatre générations ne suffisent pas pour que l'homme accepte que sa laborieuse existence se passe sans que personne y assiste ni la contemple ni s'y penche jamais, sans que personne la juge ni la désapprouve.
Javier Marías. Danse et rêve.
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