Ce soir-là était studieux et silencieux et les visages concentrés et penchés et éclairés par les écrans alignés sur la table longue, je les voyais de l'autre côté de la porte vitrée et automatique, moi qui, dans l'entrée où m'atteignaient les conversations des terrasses, les rebonds des ballons, les renseignements donnés à l'accueil, je tournais quelques pages en attendant 18h35.
"Il y a autant de manières de boire son café que de lire son journal, quand ce journal est en papier. Sur internet, cette diversité a disparu en partie, comme a disparu de l'écran le bruit des pages qu'on tourne qui a à voir avec le bruit des vagues. (…) Nous avons une amie qui achète seulement la Vanguardia le dimanche pour ses mots croisés : "les meilleurs d'Espagne" et un autre qui, ayant quitté sa ville natale depuis cinquante ans, a continué à être abonné jusqu'à sa mort au Progreso de Lugo, qu'il recevait ponctuellement chez lui… deux jours après (et quelle grande leçon galicienne de lire les journaux deux jours plus tard). Il y a aussi ceux qui commencent par les sports ou la bourse (de ceux-ci, en revanche, je n'en connais aucun) et ceux qui, comme moi, surtout ces derniers temps, commencent leur journal par la fin. Justement par là où il paraît plus inactuel ou intemporel ou, même, plus sérieux. Jusqu'à ce que, à mesure qu'on avance -ou qu'on recule- on soit de plus en plus submergés par le présent, souvent boueux et puant et qu'on ne puisse plus suivre."
J'ai traduit librement la fin de la chronique de Andrés Trapiello qui est à lire ICI dans son intégralité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire