Pour ceux qui en ont un (et ils doivent être assez nombreux encore), il arrive un jour -la réplique de celui où l'insatisfaction nous a jetés sur les routes- où le passé familial prend le pas sur tout le reste : les pierres qui ont sévèrement construit ces temps anciens, les ombres et les recoins des lieux où s'est assagie la furieuse enfance, les arbres, les haies à jamais disparus, et la grotte en marge des déjeuners ensoleillés sur l'herbe où ont abouti un jour les contes paysans, engendrant le premier et confus désir de mystère; les boîtes fragiles, les chambres interdites (et leur odeur de laque), les dentelles jaunies sur le piano (à voir ses touches bistres on aurait dit qu'il fumait deux paquets de brunes par jour) qui dans les déménagements mouvementés de la famille avait matérialisé l'aura fugace de Chopin, les pages gribouillées et torturées de ces contes d'enfants dont les feuilles gisaient éparpillées et où repose le sens des mots…, oui, il arrive un jour (les noms que la mort a rendus sonores résonnant encore dans les arbres, dans les branches mouillées et les après-midi dorés) où le passé surgit dans un moment d'incertitude pour exorciser le temps malveillant et sordide, et ramener la sérénité, ridiculisant et détruisant ainsi le caractère stérile, chimérique et décevant d'un présent torturé et vagabond, éternellement absorbé dans le vol d'une mouche autour d'un abat-jour vert.Juan Benet. Un bon à rien.
mardi 18 novembre 2014
Tuesday self portrait
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