jeudi 27 novembre 2014

La vie des pages (7)

Son père lui demanda de chercher les antonymes d'écrire, mais Julio n'en trouva aucun.
-Ce mot n'a pas d'antonyme, papa.
-Pourtant c'est ce qui précisément ce qui m'arrive à moi : j'ai la moitié du corps désécrite, regarde, et maintenant, les choses de ma tête se désécrivent.
-Au sens figuré, oui, mais il serait impossible de désécrire un roman ou de désécrire un article.
Il tenta de concevoir un monde en plein processus de déréalisation, où il y aurait des journaux dans les rédactions desquelles les salariés s'efforceraient de désécrire les nouvelles du jour, pendant que les romanciers, dans leurs mansardes, désécriraient les grands récits de l'histoire. Il imagina une interview à la télévision avec le désécrivain de Madame Bovary ou de La métamorphose. Ce seraient des genres de bohémiens, à l'apparence négligée, qui auraient du mal à avoir beaucoup de succès parce qu'ils ne désécriraient pas toujours les grandes oeuvres avec la même réussite que celle avec laquelle elles avaient été écrites. Mais certains atteindraient les sommets de la désécriture en effaçant les meilleures métaphores réalisées par l'humanité au cours des siècles. Et on créerait une histoire inverse de la littérature, composée d'un catalogue de personnages dont le mérite serait d'en avoir fini avec l'Iliade ou la Divine Comédie.
Traduction libre d'un extrait* du roman de Juan José Millás : El orden alfabético.

Il y eut
avant
et 
après
2006
dans ma vie

peut-être même suis-je devenue vraiment adulte cette année-là car, auparavant, il y avait toujours quelqu'un pour rapporter mes livres à la bibliothèque. 
Puis plus. 
Et je fus quelques mois sans y retourner. 


Alors, jeudi dernier. 
Mais lui, derrière le comptoir : 
deux jours ? on n'appelle pas ça un retard, ici.

*Su padre le pidió que buscara los antónimos de escribir, pero Julio no encontró ninguno.
-Esa palabra no tiene antónimos, papá.
-Pues lo que me ocurre a mí precisamente es que se me ha desescrito la mitad del cuerpo, míralo, y ahora se me desescriben las cosas de la cabeza.
-En sentido figurado, sí, pero sería imposible desescribir una novela, o describir un artículo.
Trató de concebir un mundo en pleno proceso de desrealización, donde habría periódicos en cuyas redacciones los trabajadores se afanaran en desescribir las noticias del día, mientras los novelistas, en sus buhardillas, desescribían los grandes relatos de la historia. Imaginó una entrevista en la televisión con el desescritor de Madame Bovary o de La metamorfosis. Serían tipos bohemios, de aspecto descuidado, a los que les costaría mucho triunfar, porque no siempre describirían las grandes obras con el mismo acierto con el que se escribieron. Pero algunos alcanzarían las cimas de la desescritura borrando las mejores metáforas construidas por la humanidad a lo largo de los siglos. Y se crearía una historia inversa de la literatura, compuesta por un catálogo de personajes cuyo mérito sería haber acabado con la Iliada o la Divina Comedia.

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