jeudi 25 décembre 2014

La vie des pages (11)

A la deuxième séance, il choisit le divan et, pendant qu'il parlait de tout autre chose que de sa mère, il découvrit dans les irrégularités de la peinture du plafond la carte d'un pays imaginaire. Il le dit à la psychanalyste : 
-Vous, d'où vous êtes, vous ne pouvez la voir sans lever la tête mais il y a la carte d'un pays imaginaire au plafond. 
-Pourquoi d'un pays imaginaire ? Qu'est-ce qui la distingue de la carte d'un pays réel ?
Millás reçut la question comme un coup dans la poitrine en même temps que comme une révélation. 
-A quoi pensez-vous ? insista-t-elle au bout de quelques minutes de silence. 
-Je me demandais -dit-il- comment distinguer un vrai roman d'un faux. 
-Un roman est-il comme une carte ?
-Oui et non. D'un côté, c'est un territoire autonome mais d'un autre côté, c'est une représentation. En ce qu'il a d'une représentation, le roman a quelque chose d'une carte. 
-Et où tout cela mène-t-il ?
-Je ne le sais pas encore. Mais il m'est tout à coup venu à l'idée que si j'étais incapable d'écrire un vrai roman, peut-être pouvais-je en écrire un faux. 
(il s'agit d'une traduction libre que je fais d'un extrait* de La mujer loca de Juan José Millás)


La salle de lecture était idéalement chauffée. 
Je m'y serais volontiers laissée enfermer. 
 
*La segunda sesión eligió el diván y mientras hablaba de cualquier cosa que no fuera su madre, descubrió en las irregularidades de la pintura del techo el mapa de un país imaginario. Se los dijo a la psicoanalista : 
-Usted, desde su posición, no puede verlo sin levantar la cabeza, pero tiene en el techo el mapa de un país imaginario. 
-¿ Por qué de un país imaginario ? ¿Qué es lo que lo hace distinto del mapa de un país real ?
Millás recibió la pregunta como un golpe en el pecho, aunque también como una revelación. 
-¿Qué piensa ? insistió ella al cabo de unos minutos de silencio. 
-Me preguntaba -dijo él- cómo distinguir una novela verdadera de una falsa. 
-¿ Una novela es como un mapa ?
-Sí y no. Por un lado, es un territorio autónomo, pero por otro es una representación. En lo que tiene de representación, la novela tiene algo de mapa. 
-¿ Y todo esto adónde le lleva ?
-Aún no lo sé. Pero de repente se me ocurrió la idea de que si estoy incapacitado para escribir una novela de verdad, quizá pudiera escribir una falsa. 
Juan José Millás. La mujer loca

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