jeudi 11 décembre 2014

La vie des pages (9)

Plus tôt, j'avais déposé sur le comptoir des retours El Japón en Los Angeles, le journal que José Carlos Llop écrivit de 1996 à 1997.
Et sur celui des emprunts Dietario voluble (Journal volubile), celui que Enrique Vila-Matas tint entre 2005 et 2008.
Plus tard, à l'heure où l'on ne distingue plus un loup d'un chien, il fit froid, d'un coup,
trop froid et j'allai m'asseoir pour me réchauffer et pour la première fois. 
J'y appris que Enrique Vila-Matas était venu sur l'île à la fin de l'été, recevoir le prix Formentor qui lui avait été remis à l'hôtel du même nom








Quelques jours plus tard, je lus un article où José Carlos Llop relatait l'événement et rendait hommage à Enrique Vila-Matas.

("Il y de cela deux étés, Enrique Vila-Matas et moi prenions notre petit déjeuner dans un hôtel. Peu après, nous ferions une intervention dans un festival de littérature, mais nous évitions de parler de cela. Les choses se passent mieux si rien n'arrive à la dernière minute. Tout à coup, un morceau de croissant s'est détaché d'entre ses doigts et est tombé dans la tasse de café au lait. Deux ou trois taches sont apparues sur la poitrine de sa chemise, impeccablement repassée. Il est resté immobile, comme paralysé. "ça, ce n'était pas prévu", a-t-il dit, adoptant ce visage mi-Emilfork, mi-Keaton qu'il prend parfois, juste avant de sourire. Nous avons commencé à rire : c'était, une fois de plus, l'humour vilamatien que je préfère, l'absurdité dans la logique ou la volonté logique incrustée dans l'absurdité : "ça, ce n'était pas prévu". Ensuite, il a ajouté : "heureusement que j'ai préparé une chemise identique dans ma chambre".)(1)

Mais depuis que j'avais lu son journal, quelques jours plus tôt, je savais déjà que ce n'était pas la première fois que Vila-Matas était venu à Majorque.

("-Ecrire, c'est essayer de savoir quoi ? me crie quelqu'un, depuis le Passage Maritime.
Je suis face à la mer, sur la terrasse d'une chambre d'hôtel, à Majorque. La chanson que j'écoute sans arrêt depuis un moment, Batiscafo Katiuskas, est d' Antònia Font, un groupe majorquin que j'écoute sur mon ordinateur portable pendant que j'écris ceci. Je suis appuyé sur la rampe du balcon, je salue mes amis écrivains. C'est une matinée claire de cet hiver insolite, si agréable. La musique des Antònia Font, étrange et d'une grande puissance poétique, contribue à la sensation générale de beauté. 
Midi. Entier, complet. Midi au réveil ! Je vais rapidement du bathyscaphe au Scafandre, la dernière et magnifique livraison du Journal de José Carlos Llop.")(2)






(1) Hace dos veranos, Enrique Vila-Matas y yo estábamos desayunando en un hotel. Al cabo de un rato teníamos una intervención en un festival de literatura, pero evitábamos hablar de eso. Las cosas salen mejor si no se le dan vueltas a última hora. De repente se desprendió de entre sus dedos un trozo de cruasán y cayó sobre la taza de café con leche. Dos o tres manchas aparecieron sobre la pechera de su camisa, impecablemente planchada. Se quedó inmóvil, como paralizado. ´Esto no lo tenía previsto´, dijo, poniendo esa cara entre Emilfork y Keaton que pone a veces, segundos antes de sonreír. Nos echamos a reír: era, una vez más, el humor vilamatiano que prefiero, el absurdo dentro de la lógica o la voluntad lógica incrustada en el absurdo: ´esto no lo tenía previsto´. Después añadió: ´menos mal que en la habitación tengo preparada otra camisa idéntica´. Y ahí estaba, también, el cálculo vilamatiano, que no suele fallar, ni dañar a terceros.

(2) -¿ Escribir es intentar saber qué ?-me grita alguien desde el Paseo Marítimo. 
Estoy frente al mar, en la terraza de un cuarto de hotel, en Mallorca. La canción que escucho sin cesar desde hace rato, Batiscafo Katiuskas, es de los Antònia Font, un grupo musical mallorquín que oigo a través del ordenador portátil mientras escribo esto. Me apoyo en la baranda de la terraza, saludo a los amigos literatos. Es una mañana limpia de este invierno insólito, tan agradable. La música de los Antònia Font, extraña y de gran potencia poética, contribuye a la sensación general de belleza. 
Mediodía. Todo, completo. ¡Las doce en el reloj ! Voy velozmente del batiscafo a La escafandra, la última y magnífica entrega de los Diarios de José Carlos Llop. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire