J'ai emmené un compagnon dans mon voyage : un caniche français, vieux et chevaleresque du nom de Charley. Bon, en réalité, il s'appelle Charles le Chien. Il est né à Bercy, dans les faubourgs de Paris, il a été éduqué en France et, bien qu'il sache un peu d'anglais caniche, il répond rapidement seulement aux ordres en français. Sinon, il n'a qu'à traduire mais ça le retarde. C'est un caniche très grand, d'une couleur appelée bleu* et il est vraiment bleu quand il est propre. Charley est un diplomate de naissance. Il préfère la négociation à la bagarre et très opportunément : cela ne lui convient pas de se battre. Une seule fois durant ses dix années de vie, il a eu des problèmes : quand il a rencontré un chien qui a refusé de négocier. Il a perdu, à cette occasion, une partie de son oreille droite. Mais c'est un bon gardien… il rugit comme un lion afin de cacher aux étrangers qui errent dans la nuit le fait qu'il serait incapable de mordre ne serait-ce qu'un cornet de papier.*
(…) Charley aime se lever tôt et il aime que, moi aussi, je me lève tôt. Et pourquoi n'aimerait-il pas cela ? Aussitôt qu'il a mangé, il retourne dormir. Il a développé, au fur et à mesure des années, une série de méthodes, innocentes en apparence, pour réussir à me faire me lever. Il peut se secouer et secouer son collier avec assez de force pour réveiller un mort. Si cela ne marche pas, il a une crise d'éternuements. Mais sa méthode la plus irritante est peut-être celle de s'asseoir à côté de mon lit et de regarder fixement mon visage avec une expression douce et indulgente et moi, je sors d'un sommeil profond avec la sensation d'être regardé. J'ai appris à garder les yeux bien fermés. Mais il suffit que je les cligne pour qu'il éternue et s'étire et c'en est fini pour moi, le sommeil de cette nuit. De nombreuses fois, la guerre des volontés s'est prolongée un bon moment, moi gardant les yeux fermement clos et lui se montrant indulgent mais c'est quasiment toujours lui qui gagne. Il aime tellement voyager qu'il voudrait partir tôt et tôt, pour Charley, c'est quand l'obscurité s'atténue à peine, avec l'aube.
*en français dans le texte
Le livre de John Steinbeck, Travels with Charley a été traduit en espagnol par José Manuel Álvarez Flórez. C'est cette version que je traduis librement.
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