Après deux jours sur l'île, passés avec des moutons,
Nous avons vu un film qui se passe sur une île, avec des moutons.
C'est le lendemain du jour où j'avais entendu Emmanuel Guibert dire que les dessinateurs se devaient d'être flexibles : aussi aptes à saisir tous les traits d'un passager prêt à descendre à l'arrêt suivant dans le métro qu'à dessiner paisiblement une statue immobile depuis un siècle, que tu réussis à portraiturer le client de la table du coin opposé pendant la poignée de minutes que son ami volubile qui, jusque là, avait fait écran entre lui et toi, passa aux toilettes.
Ce qui est bien quand on se réveille chaque jour dans une peau différente, c'est qu'on apprend beaucoup. Il y a des mauvais jours, c'est sûr, comme dans n'importe quel travail. Parce que ces dix ans, j'ai essayé de les prendre comme un boulot. J'ai voulu faire les choses bien. Bien que, certains jours, j'aie un peu exagéré. J'ai été de tout. Anonyme et célèbre. Important. Anodin. Fréquemment important et anodin. Laid et beau. Ni l'un ni l'autre. Grand et petit. Chétif et musclé. Grosse tête et court sur pattes. Un monsieur tout le monde. Influent. Un laissé pour compte. Un laissé pour l'autre compte. Un pauvre, un millionnaire. Mille choses. (1)
Lo bueno de despertarte cada día en un pellejo diferente es que aprendes mucho. Hay días malos, claro, como en cualquier trabajo. Porque estos diez años he intentado tomármelos como un trabajo. He querido hacer las cosas bien. Aunque a días se me ha ido un poco la mano. He sido de todo. Anónimo y famoso. Importante. Anodino. Con frecuencia importante y anodino. Feo y guapo. Ni fu ni fa. Alto y bajo. Enclenque y musculoso. Cabezón y paticorto. Un Don Nadie. Influyente. Un cero a la izquierda. Un cero a la derecha. Pobre de solemnidad, millonario. Mil cosas. Román Piña. Stradivarius Rex.
Un garçon à vingt pas de moi m'a regardé avec une lueur de crainte dans les yeux. J'ai pensé qu'il remarquait ma colère. Quand nous allions nous croiser, il s'est arrêté et, dans un espagnol vacillant, il m'a demandé si j'avais du feu. Oh, son adorable peur ne venait pas de mon visage mais de son incertitude. C'était peut-être la première fois qu'il osait aborder un étranger pour lâcher sa première phrase dans notre langue. J'ai fouillé mes poches et sorti mon briquet. Je le lui ai offert comme récompense pour ses progrès dans une langue étrangère.Traduction libre d'un extrait* de Tanta gente sola de Juan Bonilla.
*Un muchacho a veinte pasos de mí me miró con un brillo de temor en los ojos. Pensé que se me notaba la cólera. Cuando íbamos a cruzarnos se detuvo y con vacilante español me preguntó si tenía fuego. Oh, su adorable temor no procedía de mi rostro, sino de su inseguridad. Tal vez era la primera vez que se atrevía a abordar a un extraño para soltar su primera frase en nuestra lengua. Me registré los bolsillos y saqué mi mechero. Se lo regalé como premio a sus progresos en una lengua extranjera.
Des scientifiques de l'Université de Southern California, Los Angeles, ont implanté une caméra dans les yeux abîmés de quelques aveugles qui se sont prêtés à l'expérience et ils leur ont rendu la vue. La résolution de leur nouveau regard est de 16 pixels, suffisante pour distinguer une voiture, un réverbère ou une poubelle. Au début, ils ont pensé qu'il aurait fallu 1000 pixels. Aussi, quand les aveugles ont dit qu'ils voyaient relativement bien avec seulement 16, leur surprise a été très grande. Les scientifiques n'avaient pas pris en compte une donnée : nous avons tous dans l'oeil un point nommé "point aveugle", un point à travers lequel nous ne voyons pas et que le cerveau remplit inconsciemment avec ce qu'on suppose qu'il devrait y avoir là. Nous inventons et avons l'habitude de deviner juste. C'est ce qui nous permet de voir la totalité d'une maison bien que les branches des arbres nous la cachent partiellement ou de voir la silhouette entière d'une personne au milieu de la foule bien que cette foule nous l'occulte par moment. C'est pour cela que 16 pixels suffisent aux aveugles : pour le reste, ils utilisent leur imagination. Dans nos yeux, il y a un point qui invente tout, un point qui démontre que la métaphore est constitutive du cerveau lui-même, le point qui génère les choses poétiques. Ce "point aveugle" devrait s'appeler "point poétique". De la même manière, dans ce grand oeil que seraient toutes et chacune de nos vies, il y a des points obscurs, des points que nous ne voyons pas et que nous reconstruisons imaginairement avec une machine que nous avons l'habitude d'appeler "mémoire".
*Científicos de la Universidad de Southern California, Los Ángeles, han implantado una cámara de vídeo en los ojos dañados de varios ciegos que se prestaron al experimento, les han devuelto la vista. La resolución de su nueva mirada es de 16 píxeles, suficiente para distinguir un coche, una farola o una papelera. En un principio pensaron que harían falta 1.000 píxeles, así que cuando los ciegos dijeron que veían relativamente bien con sólo 16 la sorpresa fue mayúscula. Los científicos no habían tenido en cuenta un dato : todos tenemos un punto en el ojo denominado "punto ciego", un punto a través del cual no vemos y que el cerebro inconscientemente rellena con lo que se supondría que debería haber ahí; lo inventamos, y solemos acertar. Es lo que nos permite ver la totalidad de una casa aunque nos la tapen parcialmente las ramas de unos árboles, o ver la carrera completa de una persona entre una muchedumbre aunque esa misma muchedumbre nos la oculte por momentos. Por eso a los ciegos les bastó con 16 píxeles : el resto de píxeles los pone la imaginación. En nuestros ojos hay un punto que lo inventa todo, un punto que demuestra que la metáfora es constitutiva al proprio cerebro, el punto donde se generan las cosas de orden poético. A ese "punto ciego" debería llamársele "punto poético". De igual manera, en ese gran ojo que vendrían a ser todas y cada una de nuestras vidas hay puntos oscuros, puntos que no vemos, y que reconstruimos imaginariamente con un artefacto que damos en llamar "memoria".
Traduction libre d'un extrait* de Prisión perpetua de Ricardo Piglia.Durant ces jours-là, au milieu de la débandade, dans l'une des chambres démantelées, j'ai commencé à écrire un Journal. Qu'est-ce que je cherchais ? Nier la réalité, refuser ce qui arrivait. La littérature est une forme privée de l'utopie.(…) J'ai commencé ainsi. Et encore aujourd'hui, je continue à écrire ce Journal. Beaucoup de choses ont changé depuis, mais je reste fidèle à cette manie. Evidemment, il n'y a rien de plus ridicule que la prétention d'enregistrer sa propre vie.(…) Parfois, quand je le relis, j'ai du mal à reconnaître ce que j'ai vécu. J'ai complètement oublié certains des épisodes que j'y ai racontés. Ils existent dans mon Journal mais pas dans mes souvenirs. Et, en même temps, certains faits qui restent aussi nets qu'une photo dans ma mémoire en sont absents comme si je ne les avais jamais vécus.
* En esos días, en medio de la desbandada, en una de las habitaciones desmanteladas empecé a escribir un Diario. ¿Qué buscaba? Negar la realidad, rechazar lo que venía. La literatura es una forma privada de la utopía.(…) Así empecé. Y todavía hoy sigo escribiendo ese Diario. Muchas cosas cambiaron desde entonces, pero me mantuve fiel a esa manía. Por supuesto, no hay nada más ridículo que la pretensión de registrar la propia vida.(…) A veces, cuando lo releo, me cuesta reconocer lo que he vivido. Hay episodios narrados ahí que he olvidado por completo. Existen en el Diario pero no en mis recuerdos. Y a la vez ciertos hechos que permanecen en mi memoria con la nitidez de una fotografía están ausentes como si nunca los hubiera vivido.Ricardo Piglia. Prisión perpetua.
"De tous les hommes, l'artiste est bien sûr le plus profondément distrait, un champion de la distraction, peut-on dire." Il s'était remis en marche, très penché en avant. "Pour cette raison qu'il est l'homme le plus distrait (distrait au sens où je l'entends), l'artiste est aussi l'homme le plus distrayant. Avec lui, aucun risque d'ennui, aucune menace d'atteindre la vérité du monde, ni la vérité de la description, ni la vérité de la représentation, ni aucune vérité d'aucune sorte, toujours source du plus mortel ennui. Seulement l'art, qui est sans vérité, d'où son pouvoir de distraction. Et de tous les artistes, permettez-moi de le dire -il jette un regard à l'appareil qui pend à mon épaule- de tous les artistes c'est le photographe qui est le plus distrait, me semble-t-il, et cela une fois de plus contre toutes les apparences et impressions générales. Je serais curieux de savoir ce que vous pensez de cela." Je restais silencieux, dans l'attente de ce qu'il allait dire encore. Et, en effet : "Tout comme moi dans mes télescopes, le photographe regarde à travers ses objectifs et passe son temps l'oeil collé à un viseur. Il cadre et concentre son attention sur une portion d'espace choisi : un visage, un corps, un paysage, tout comme moi NGC 205, ou la nébuleuse Tête de Cheval, ou la galaxie M 82. Il cadre et se croit très attentif au monde, extrêmement attentif au monde, alors que le cadrage est le comble de l'inattention, le comble de la distraction. Car le cadre est tout le contraire d'une cage dans laquelle on tiendrait son sujet prisonnier : c'est un trou qu'on perce dans un mur pour s'évader, pour se distraire. La distraction est ainsi : irrésistible attraction d'une petite ouverture aux bords bien délimités, bien dessinés. Seul le mur sans ouverture retient notre attention, le mur infini du monde dans sa fastidieuse continuité. La distraction et le cadrage sont notre seule issue vers le hasard. Vous arrive-t-il de prendre une photo autrement que par distraction ? Ou de ne pas photographier autre chose que ce que vous avez cadré ?"
Alain Fleischer. L'observatoire in Pris au mot.
Un hiver à Majorque
Sentarse al sol de invierno. Abrocharse el abrigo, anudarse la bufanda. Contemplar el esplandor de la mañana como si todo acabara de nacer, como si el árbol, las sillas de la terraza, el césped y el horizonte estuvieran ahí por primera vez, en esta perfecta claridad, con el fulgor inasible que tiene lo que aparece y, casi al instant, se apaga.
Joan Payeras. La luz y el frío.
Un hiver à Majorque
S'asseoir au soleil d'hiver. Attacher son manteau, nouer son écharpe. Contempler la splendeur du matin comme si tout venait de naître, comme si l'arbre, les chaises de la terrasse, la pelouse et l'horizon étaient là pour la première fois, dans cette clarté parfaite, avec l'éclat insaisissable de ce qui apparait et, presque aussitôt, s'éteint.
Ce fut à la faveur d'un passage nuageux-plus par convention que par conviction-que je procédai à mon propre transfuge au sein de mon armoire.
Les récits de la prison ressemblent au récit des rêves que les gens ont l'habitude de faire au réveil. Le récit des rêves n'intéresse que celui qui les fait.Ricardo Piglia. Prisión perpetua.
Ma mère, quand nous allions au musée, me disait que la peinture paraissait avoir évolué à rebours; que si un extraterrestre entrait dans un musée, il supposerait que les tableaux abstraits étaient antérieurs, de quelques siècles ou milliers d'années de la Renaissance. A moins que l'extraterrestre ressemble à un triangle jaune collé à une surface plane bleue.*
Travaillez excessivement à un travail dur et long. Tout amuse quand on y met de la persévérance : l'homme qui apprendrait par coeur un dictionnaire finirait par y trouver du plaisir; et puis voyagez, quittez tout, imitez les oiseaux. C'est une des tristesses de la civilisation que d'habiter dans des maisons. Je crois que nous sommes faits pour nous endormir sur le dos en regardant les étoiles. Dans quelques années, l'humanité (par le développement nouveau de locomotion) va revenir à son état nomade. On voyagera d'un bout du monde à l'autre, comme on faisait autrefois, de la prairie à la montagne : cela remettra du calme dans les esprits et de l'air dans les poumons.Enfin, mon conseil permanent est celui-ci : voulez !
Gustave Flaubert. Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie. Croisset, 11 juillet 1858
il y a des personnes qui organisent leur vie autour des chambres où on les a fait dormir depuis qu'ils ont l'âge de raison, une fois j'ai lu le livre d'un français nommé Perec dans lequel il affirmait qu'il avait recensé toutes les chambres où il avait dormi durant toute sa vie, il y en avait cent, quasiment toutes utilisées un seul jour, moi, je ne peux pas en dire autant bien que je sois nomade par nature, bien que ma mission soit d'inventer des Projets, des changements, des ruptures de rythme, je n'aime pas voyager, ce qui me va, c'est de dormir presque toujours dans le même lit, je ne comprends pas comment quelqu'un a besoin de se déplacer, utiliser ses sens, voyager, pour sentir quelque chose, je trouve ça basique, primitif, comme un stade primaire de l'évolution, il y a d'autres façons plus civilisées de voyager sans sortir de chez soi, moi je le fais avec la télé, les livres, l'ordinateur et les films et j'y arrive, c'est la sophistication dont je parle, dont elle et moi nous avons toujours parlé, mon idéal de vacances est de rester enfermé dans une maison avec l'air conditionné devant une fenêtre avec vue sur la mer ou la montagne.
Traduction libre d'un extrait* de Nocilla Lab de Agustín Fernández Mallo.
*hay personas que organizan su vida en torno al hilo de las habitaciones en las que les ha tocado dormir desde que poseen uso de razón, una vez leí un libro de un tipo francés llamado Perec, en el que este autor afirmaba que había catalogado todas las habitaciones donde había dormido durante toda su vida, eran cientos, casi todas solamente usadas un solo día, yo no puedo decir lo mismo ya que aunque soy nómada por naturaleza, aunque mi misión sea generar Proyectos, cambios, golpes de rumbo, no me gusta viajar, lo que me lleva a usar casi siempre la misma cama, no entiendo cómo alguien necesita desplazarse, usar los sentidos, viajar, para sentir algo, lo encuentro básico, primitivo, como un estadio primario de la evolución, hay otras formas más civilizadas de viajar si salir de casa, por eso a mí con la tele, los libros, el computador y las pelis, y me llega, esta es la sofisticación de la que hablo, de la que ella y yo siempre hemos hablado, mi ideal de vacaciones es permanecer encerrado en una casa con aire acondicionado ante una ventana que mire al mar o a la montaña.
On sait bien que n'offense pas qui veut mais plutôt qui peut. Et, au contraire, on blesse parfois sans le vouloir. Moi, je ne veux gêner personne mais, après dix-huit ans à flirter avec la langue grecque, je dois souffrir d'une espèce de court-circuit qui m'empêche de parler et d'écrire comme une personne normale. Ma seule consolation, c'est que je connais toujours la réponse correcte à la question à laquelle ils sont nombreux à perdre une fortune à "Qui veut gagner des millions ?".
N'ayez pas peur des mots à la mode qui infectent ces petits contes. Nombreux sont ceux qui cessent de lire un livre quand ils se heurtent à des mots qu'ils ne connaissent pas. Il n'y a pas de raison. Les auteurs non plus ne savent pas très bien ce qu'ils signifient. Ils les utilisent par ouïe-dire, pour remplir, et presque toujours hors de propos. Avec les mots étranges qui apparaissent dans mes contes, vous avez le choix : déduire leur signification grâce au contexte ou les chercher dans le dictionnaire Quintana Cabanas. Vous ne les trouverez pas ailleurs. C'est un pavé de mille pages qui doit coûter plus de dix mille pesetas. Vous je ne sais pas mais moi, si je devais l'acheter, ça me ferait bien suer.
Traduction libre d'un extrait du prologue de Cuentos tocapelotas dans le recueil La bailarina rusa de Román Piña.
* Es sabido que no ofende quien quiere sino quien puede. Y al contrario, a veces se incordia sin querer. Yo no pretendo molestar a nadie, pero después de dieciocho años coqueteando con la lengua griega, he debido de sufrir una especie de cortocircuito que me impide hablar y escribir como una persona normal. Lo único que me consuela es que siempre sé la respuesta correcta a la pregunta por la que muchos pierden una fortuna en el concurso de la tele "¿Quieres ser millonario?".No se asusten por las palabrejas que infectan estos cuentecitos. Muchos dejan de leer un libro cuando se topan con varias palabras que desconocen. No hay por qué. Tampoco los autores saben muy bien lo que significan. Los usan de oídas, por rellenar, y casi siempre fuera de lugar. Con las palabras raras que aparecen en mis cuentos, con todo, pueden ustedes hacer dos cosas : deducir su significado por el contexto, o buscarlas en el diccionario Quintana Cabanas. No las encontrarán en otro. Es un tocho de miles de páginas que debe de costar más de diez mil pesetas. A ustedes no sé, pero a mí, tener que comprarlo, me tocaría las pelotas.
J'ai cherché sur internet des citations de Ortega y Gasset dont je pensais, à une autre époque, qu'il s'agissait de deux personnes comme Deleuze et Guattari, Calvin et Hobbes.*
L'affaire prenait plus d'importance avec les citrouilles, appelées, dans le Nord, potirons, dont la grosseur devenait aisément monstrueuse. Alors que, durant tout l'été, à cause sans doute de l'abondance des herbes et des feuilles, on ne les avait pas vues une seule fois, elles mettaient un peu partout, sur la terre et parfois jusqu'à l'horizon, leurs grands poufs de couleur orange aux creux desquels s'accrochaient des petites feuilles qui donnaient une idée d'indécence.La croissance des citrouilles était si rapide et les portait à un tel volume que souvent les gens ne résistaient pas à l'envie d'écrire leur nom, de la pointe du couteau, sur leur peau, alors qu'elles étaient encore naines. Ils savaient que leur calligraphie se développerait en même temps qu'elles et prendrait de surcroît un relief de broderie, assez semblable, en fait, à une lèpre, mais permettant la lecture de loin. Aussi, dès ce moment de l'automne, les noms, ou seulement les initiales quand la timidité avait prévalu, criaient à perte de vue, d'un bout à l'autre de la campagne, portés par l'éclat orangé des citrouilles géantes.Les écritures, tantôt à l'anglaise, tantôt s'inspirant des caractères d'imprimerie, tantôt simplement malhabiles, trahissaient l'application, les soins que la postérité réclame. Ils donnaient aux inscriptions un aspect définitif et lorsqu'on suivait les chemins, le long des champs, on ne pouvait s'empêcher de penser à une promenade dans un cimetière où on lit des noms de famille sur les pierres. Il nous semblait qu'écrire son nom sur les citrouilles, en s'en remettant à elles pour qu'il fût porté au dernier degré de la gloire et trouvât d'avance sa grandeur posthume, était d'une extrême témérité. On ne devait pas jouer avec les images de la mort, aussi approximatives fussent-elles.Pierre Gascar. Le meilleur de la vie.
Cela n'est pas étonnant que certains voyageurs qui arrivent sur une île ressentent une énorme angoisse et, devant les limites évidentes de ces lieux, sont obsédés par la terrible possibilité de rester enfermés là pour toujours, de devoir rester jusqu'à la fin de leurs jours dans cet espace solitaire, sans rien d'autre à faire que se confronter à leur propre existence.
Traduction libre d'un extrait de l'Atlas des îles abandonnées de Judith Schalansky