samedi 21 novembre 2015

Les jours beaux (à suivre…)

Durant ces jours-là, au milieu de la débandade, dans l'une des chambres démantelées, j'ai commencé à écrire un Journal. Qu'est-ce que je cherchais ? Nier la réalité, refuser ce qui arrivait. La littérature est une forme privée de l'utopie. 
(…) J'ai commencé ainsi. Et encore aujourd'hui, je continue à écrire ce Journal. Beaucoup de choses ont changé depuis, mais je reste fidèle à cette manie. Evidemment, il n'y a rien de plus ridicule que la prétention d'enregistrer sa propre vie. 
(…) Parfois, quand je le relis, j'ai du mal à reconnaître ce que j'ai vécu. J'ai complètement oublié certains des épisodes que j'y ai racontés. Ils existent dans mon Journal mais pas dans mes souvenirs. Et, en même temps, certains faits qui restent aussi nets qu'une photo dans ma mémoire en sont absents comme si je ne les avais jamais vécus. 
 Traduction libre d'un extrait* de Prisión perpetua de Ricardo Piglia. 



Souvent, j'en emplis les pages de ce que, dans le fond, je voudrais oublier, je voudrais ne pas avoir vécu, je voudrais savoir occulter, sans doute pour être sûre d'avoir une preuve de mes minuscules victoires, de mes petits faits d'arme, de mes insignes motifs de gloire et c'est parce que, quand les jours sont heureux, j'écris moins dans mon journal que...

*  En esos días, en medio de la desbandada, en una de las habitaciones desmanteladas empecé a escribir un Diario. ¿Qué buscaba? Negar la realidad, rechazar lo que venía. La literatura es una forma privada de la utopía.
(…) Así empecé. Y todavía hoy sigo escribiendo ese Diario. Muchas cosas cambiaron desde entonces, pero me mantuve fiel a esa manía. Por supuesto, no hay nada más ridículo que la pretensión de registrar la propia vida.
(…) A veces, cuando lo releo, me cuesta reconocer lo que he vivido. Hay episodios narrados ahí que he  olvidado por completo. Existen en el Diario pero no en mis recuerdos. Y a la vez ciertos hechos que permanecen en mi memoria con la nitidez de una fotografía están ausentes como si nunca los hubiera vivido.
Ricardo Piglia. Prisión perpetua.

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