On croit souvent que les images "rappellent le passé" et font revenir le souvenir vivant d'un moment vécu ou d'une personne aimée. Mais la photo peut, à l'inverse, faire écran au souvenir. Proust évoque justement la déception éprouvée en regardant des "photographies d'un être devant lesquelles on se le rappelle moins bien qu'en se contentant de penser à lui".L'image est en effet d'une autre nature que l'expérience vécue, même visuelle, et ne saurait la restituer. Le souvenir de quelqu'un, c'est l'impression vague d'une présence, d'une attitude, d'une "allure" : c'est la mémoire d'un style, non d'une image. C'est le souvenir de l'effet que l'autre me faisait -quelque chose d'indéfinissable : une relation entre lui et moi, le souvenir d'une joie ou d'une connivence. Rien d'objectif. Il y a en ce sens des traces secrètes, des traces d'émotion, indépendantes de toute image visible. Le souvenir ne doit alors à peu près rien à l'image.Sylviane Agacinski. Le passeur de temps.
Peu après, tu as dit
Arigatô
et m'en souvenir me fait toujours autant rire.
*the Cure
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